Quelques nouveaux films

2016-2017, passage en images

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Publié le 31/12/2016
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Ciné-Paterson

Ciné-Paterson
Crédit photo : MARY CYBULSKI

Ciné-Nocturnal Animals

Ciné-Nocturnal Animals
Crédit photo : UNIVERSAL PICTURES

CINÉ-FAIS DE beaux rêves

CINÉ-FAIS DE beaux rêves
Crédit photo : SIMONE MARTINETTO

« Paterson », de Jim Jarmusch (21 décembre)

Une petite vie. Dans une petite ville du New Jersey. Paterson (Adam Driver), qui habite à Paterson, vit avec sa compagne dans une petite maison, conduit un bus, promène son chien, se rend chaque soir dans le même bar. Paterson n’est pas malheureux. Lors de sa pause, il mange un sandwich face aux chutes qui sont une des fiertés de la cité (avec William Carlos Williams, Allan Ginsberg et Lou Costello). Il aime sa femme et approuve ses lubies, qui changent en permanence. Et aussi, dans un carnet, il écrit des poèmes. Qui ne riment pas, qui n’ont pas de grands élans lyriques. De la poésie du quotidien. Voilà, c’est le dernier film de Jim Jarmusch. Pas de tension dramatique, pas de rebondissements, mais beaucoup de charme. Et le délicieux personnage de Golshifteh Farahani, qui met partout des formes en noir et blanc.

« Fais de beaux rêves » (28 décembre)

Une mère embrasse son petit garçon et lui souffle « Fais de beaux rêves ». Le lendemain, elle est morte. Massimo Gramellini mettra des années à s'en remettre, comme il le raconte dans un livre qui a connu un grand succès en Italie*. Cette histoire d'un deuil d'autant plus difficile que l'enfant n'a reçu aucune explication, fait écho à de nombreux thèmes de l'œuvre de Marco Bellocchio, qui la met en scène entre clair-obscur et rares séquences d'une lumineuse énergie.

À travers le portrait de Massimo (incarné à l'âge adulte par Valerio Mastandrea), le film parle du rapport mère-fils, de la perte, de la mémoire et des mots à mettre (ou pas) sur les tragédies. L'orphelin deviendra journaliste et sera confronté à ces questions. Au passage, sont évoquées trente années de l'histoire italienne.

Bellocchio manie le suspense psychologique et l'enchevêtrement des temps du récit avec maestria. Belphégor, la créature qui a terrifié les téléspectateurs des années 1960, le Torino Football Club, Sarajevo se mêlent pour enrichir le cheminement. Avec des rencontres qui donnent à Emmanuelle Devos un étonnant moment et à Bérénice Bejo le beau rôle d'un médecin.

« Nocturnal Animals » (4 janvier)

Lion d'argent (Grand Prix du jury) à la Mostra de Venise, le deuxième film de Tom Ford commence par une scène qui met mal à l'aise : des femmes très obèses et plutôt âgées dansent nues. Réflexion sur le corps et sur la beauté qui n'étonnerait pas chez l'ex-couturier devenu cinéaste esthétisant ? Peut-être. Mais il s'agit surtout de planter le décor dans lequel évolue l'héroïne Susan, galeriste chic à Los Angeles, qui expose Damien Hirst et Jeff Koons. C'est l'un des univers du film, l'autre étant, à l'antipode, le Texas sauvage.

« Nocturnal Animals », nous dit Tom Ford, est un conte, sur l'amour et la solitude et sur les choix que nous faisons pour de mauvaises raisons. Susan lit le manuscrit de son ex-mari, qui raconte une très violente histoire, et se souvient de leur passion et de leur séparation. Le cinéaste entremêle habilement deux récits, avec d'un côté Susan et ses regrets – suspense psychologique – et de l'autre l'aventure sanglante d'une famille sur une route de campagne. C'est sombre, avec des effets un peu trop soulignés, mais l'utilisation d'excellents acteurs (Amy Adams, Jake Gyllenhaal, dans un double rôle, Michael Shannon) et l'évocation d'une mythologie cinématographique américaine dont on ne se lasse pas, sans oublier la musique d'Abel Korzeniowski, emportent l'adhésion.

Et aussi

Pour Isabelle Huppert en ancienne star de l'Eurovision qui tente un come-back, « Souvenir » (le 21). Pour l'action et la science-fiction et pour Michael Fassbender, « Assassin's Creed » (le 21). Pour Ewan McGregor, qui signe sa première réalisation d'après le roman de Philip Roth, « American Pastoral » (le 28). Pour la romance dans l'espace, « Passengers », avec Jennifer Lawrence et Chris Pratt (le 28). Pour l'âme du Chili, « Neruda », deux années de la vie du poète contées par Pablo Larrain (le 4 janvier).

Et toujours

Si vous ne l'avez pas encore vu, « Toni Erdmann », de l'Allemande Maren Ade, désigné meilleur film européen de l'année.« Baccalauréat », du Roumain Cristian Mungiu, sur le dilemme moral d'un père face à la corruption, justement récompensé à Cannes par un prix de la mise en scène. « Premier contact », de Denis Villeneuve, une rencontre du troisième type qui plaide pour la paix. « Sully », de Clint Eastwood avec Tom Hanks, qui réussit un suspense avec l'histoire ultramédiatisé du « miracle sur l'Hudson ». « Une vie », de Stéphane Brizé, qui vient d'être couronné par le prix Louis Delluc. « Moi, Daniel Blake », la deuxième palme d'or de Ken Loach, ou comment rire du chômage tout en se battant pour ses victimes.

* « Fais de beaux rêves, mon enfant  », réédité chez Robert Laffont

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9544