Les médecins en cumul emploi-retraite pourraient être bientôt exonérés de cotisations dues à la Carmf. À l’occasion de son intervention télévisée, mercredi soir sur France 2, Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur de cette mesure qui fait l’objet de discussions dans le cadre du PLFSS 2023 (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
Le président de la République souhaite ainsi inciter les libéraux en fin de carrière à prolonger le plus possible leur exercice afin de lutter contre la désertification médicale. « On a besoin de les garder », a expliqué Emmanuel Macron, faisant le constat que « nous n’avons pas assez de médecins » à l’hôpital et en ville et rappelant que 25 % des praticiens en exercice ont plus de 60 ans.
« On va faire quelque chose de très simple », a dit le chef de l’État. « Tous les médecins qui arrivent à la retraite, on va leur permettre de prendre la retraite mais au premier jour de leur retraite de pouvoir continuer leur activité et de garder tous les revenus qui sont les leurs pour eux sans payer de cotisation retraite nouvelle », a-t-il détaillé, considérant qu’il s’agit « d’un vrai changement de vie ».
Amendement Juvin
Prévue dans le PLFSS, cette disposition en faveur du cumul emploi-retraite avait fait l'objet d'âpres discussions en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Au départ, l'idée avait été portée par un amendement du Pr Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine adopté contre l'avis de la rapporteure Stéphanie Rist. Mais lors de la discussion en séance publique, le gouvernement a repris à son compte cette mesure. L'article 7 sexies ainsi créé indique que « sous réserve que leur revenu professionnel non salarié annuel soit inférieur à un montant fixé par décret, les médecins sont exonérés, au titre de leur activité professionnelle en qualité de médecin, des cotisations d’assurance vieillesse ».
Pour la Carmf, cette modification va provoquer un manque à gagner du régime qui « pourrait aller jusqu’à 7,3 % des cotisations à hauteur d’un milliard d’euros, soit 73 millions d’euros », déplore le Dr Thierry Lardenois. Le président de la caisse avait déjà alerté le ministre de la Santé dans une lettre ouverte datée du 21 octobre. « Au total ce sont près de 200 millions de pertes de recettes potentielles et même si le plafond de revenus vient réduire ces pertes, elles impacteraient à coup sûr les résultats du régime complémentaire déjà déficitaire et du régime ASV tout juste proche de l’équilibre », ajoute-t-il. Pis, non seulement « il n'est pas certain que ces exonérations entraînent un supplément de médecins en cumul », mais en plus « elles pourraient même inciter certains médecins à avancer la liquidation de leur retraite afin de bénéficier d’un supplément de rémunération ».
Un manque de recettes pour la Carmf
La FMF partage cette inquiétude. « Si ces exonérations ne sont pas compensées, la Carmf va devoir soit augmenter les cotisations des actifs soit baisser le montant des retraites de 8 % pour pouvoir conserver l'équilibre du régime construit grâce aux efforts des médecins actifs et retraités », prévient le Dr Olivier Petit, responsable du dossier retraite au syndicat. Dans un courrier, l'organisation présidée par la Dr Corinne Le Sauder rappelle qu'il y a eu déjà un précédent en 2019 avec des exonérations des cotisations retraite complémentaire vieillesse (ASV) des médecins pour favoriser l’exercice des cumulants en zones sous-denses.
« Or cette mesure n'a pas été compensée par l'État et il y a eu un manque de recettes pour le régime ASV », ajoute le Dr Petit. En tout cas, si cette mesure venait à passer, le médecin assure que la Carmf va être « dans l’obligation d’annuler la revalorisation du point de retraite complémentaire envisagée au 1er janvier 2023 ». Lors de son colloque annuel, le 17 octobre, le Dr Lardenois, avait en effet prévu une hausse de l'ordre de 5 % de la valeur du point du régime complémentaire, en janvier prochain.
Le SML ne partage pas du tout cette crainte. « Particulièrement bien gérée, la Carmf dispose de 5,6 milliards d’euros de réserves, ce qui lui permettra de faire face à ce manque de recettes additionnelles », écrit-il dans un communiqué. Le syndicat compte même demander au Sénat d'amender cette mesure pour la prolonger « pour une durée de cinq ans pour assurer la transition démographique ».
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