Les années se suivent et ne ressemblent pas. Après la morosité de 2013, un timide rebond en 2014, l'exercice 2015 se révèle meilleur pour un grand nombre de médecins libéraux.
Selon le bilan fiscal des AGA (réseau des ARAPL), que « le Quotidien » s'est procuré, seize spécialités ont tiré leur épingle du jeu l'an dernier en présentant parfois une forte hausse du bénéfice (toutes charges déduites mais avant impôt) dans un contexte marqué par une stagnation de l'inflation (+0,2 % selon l'INSEE).
Les Cassandre objecteront que les statistiques des ARAPL présentent un BNC moyen des médecins traditionnellement un peu supérieur à la moyenne nationale du fait d'une plus forte représentation des gros cabinets et du secteur II. Il n'empêche, les effectifs de praticiens (plus de 12 500 généralistes, 900 cardiologues, 800 radiologues, 800 ophtalmologues, 800 chirurgiens généraux, 700 anesthésistes-réanimateurs…), sont suffisamment importants pour dégager une tendance.
Pas de revalos mais un effet ROSP pour les généralistes
En l'absence de revalorisation du C en 2015, les généralistes affiliés aux AGA ont vu leur bénéfice augmenter en moyenne de 2 000 euros (+2,2 %) pour atteindre 88 700 euros. Selon l'assurance-maladie, la profession a bénéficié l'an dernier d'une légère hausse d'activité imputable notamment à une épidémie de grippe saisonnière plus intense qu’en 2014. La baisse du nombre de généralistes libéraux a également eu des conséquences sur la charge de travail des confrères en exercice dans les secteurs sous tension.
La prime versée dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) a augmenté de 500 euros en un an procurant en moyenne 6 756 euros par généraliste (hors MEP) en 2015. La majoration personne âgée (MPA) de 5 euros étendue en juillet 2014 aux patients de plus de 80 ans a eu des effets en année pleine l'an dernier (152 millions d'euros pour la profession). Elle a bénéficié d'un versement de cinq trimestres en 2015 contre trois en 2014, rappelle la CNAM.
Les écarts de revenus au sein de la médecine générale demeurent importants. Le quart le plus fortuné de la profession émarge à plus de 147 000 euros tandis que le quart le moins bien loti affiché un résultat imposable de 41 000 euros. À noter qu'en 2015, les généralistes ont conservé en moyenne 59 % de leur chiffre d'affaires (comme en 2014).
Les « techniciens » s'en sortent bien
Pour de nombreuses spécialités techniques ou médico-techniques, l'évolution du résultat moyen se révèle correcte en 2015 : +13 000 euros pour les radiologues, +10 000 euros pour les ophtalmologues, +9 500 euros pour les cardiologues, +8 000 euros pour les anesthésistes, +6 000 euros pour les ORL, +5 000 euros pour les gastroentérologues… De fait, les « techniciens » ont davantage tiré leur épingle du jeu et consolident leur place en tête de l'échelle des revenus.
Cardiologues, chirurgiens, neurologues, ORL – parmi d'autres disciplines – ont profité de la revalorisation de la CCAM technique au 1er janvier 2015 (derniers tiers) prévue dans l'avenant 8. « Il y a eu un effet de l'atteinte des tarifs cibles pour les médecins en secteur I et les signataires du contrat d'accès aux soins (CAS) », analyse le Dr Jacques Meurette, président de la commission de hiérarchisation des actes et prestations (CHAP).
Surtout, dans un contexte de légère diminution du taux moyen de dépassement depuis 2013, les spécialistes ont vu leurs revenus dopés par un surcroît de travail. « Même si l'évolution de leur activité n'est pas homogène, la tendance générale pour 2015 est haussière après trois années de stagnation voire de baisse », constate Pierre Giroux, responsable des données fiscales pour les libéraux (ARAPL).
La CNAM confirme cette analyse. « L’évolution des remboursements des soins de médecine spécialisée s’établit à +3,4 % en 2015, contre +2,7 % en 2014. » « On a eu en 2015 un effet volume avec une importante demande de consultations d'expertise », enchérit le Dr Patrick Gasser, président de l'UMESPE, branche spécialiste de la CSMF.
Un autre facteur a joué l'an dernier puisque plusieurs spécialités, à l'instar des radiologues, ont maîtrisé l'évolution de leurs charges de personnels et leurs investissements, observe Pierre Giroux.
Certaines spécialités ont toutefois connu une année creuse avec une stagnation voire une baisse de leur bénéfice : c'est le cas des chirugiens généraux, rhumatologues, obstétriciens, et plus bas dans l'échelle des revenus, des pédiatres, endocrinologues ou médecins physiques et de réadaptation.
Pierre Giroux met toutefois en perspective ce cru 2015. « Les hausses souvent marginales des revenus permettent dans la plupart des cas un rattrapage des cinq dernières années par rapport à l'inflation », conclut-il.
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