Le décret du 11 octobre indique que « l’association réalise un examen périodique de sincérité des pièces justificatives de ses adhérents dans le but de vérifier que leurs déclarations fiscales sont correctement établies ». C’est le premier point important de la réforme. Jusqu’à maintenant, on considérait que les AGA ne pouvaient pas demander à leurs adhérents de leur fournir les pièces justificatives de la comptabilité. Ce qui faisait la différence avec la vérification de comptabilité menée par l’administration fiscale.
Désormais, les AGA auront l’obligation de se faire communiquer un certain nombre de pièces justificatives de leurs adhérents dans le but de « vérifier » leurs déclarations fiscales. Le décret reconnaît donc – fort imprudemment – qu’il s’agit bien d’une opération de contrôle fiscal…
L’examen périodique de sincérité doit avoir lieu « au moins tous les six ans lorsque les comptes de l’adhérent sont tenus ou présentés annuellement par un professionnel de l’expertise comptable et au moins tous les trois ans dans le cas contraire ».
Le choix des adhérents soumis à l’examen de sincérité sera fait par l’AGA, selon une méthode qui sera fixée par un arrêté du ministre du Budget. Certains adhérents vérifiés seront choisis par tirage au sort. D’où la possibilité d’être vérifié deux années de suite…
Le décret ajoute que « le nombre de pièces examinées est modulé selon la taille de l’entreprise », c'est-à-dire selon le montant des recettes. L’administration a retenu pour le moment les nombres suivants :
– Pour des recettes inférieures à 32 900 euros : 5 pièces
– Pour des recettes comprises entre 32 900 et 150 000 euros : 20 pièces
– Pour des recettes comprises entre 150 000 et 400 000 euros : 30 pièces
– Pour des recettes supérieures à 400 000 euros : 40 pièces.
Mais ces montants ne semblent pas être définitifs.
Le choix des pièces examinées sera effectué par l’AGA. Selon quels critères ? D’après le décret, « le choix des pièces examinées prend appui sur la remise par l’adhérent d’un document fournissant une vision exhaustive des opérations comptables de l’entreprise ». Pour parler clairement, les adhérents devront obligatoirement communiquer aux AGA leur grand livre de comptabilité. Et c’est là le deuxième grand changement apporté par le décret car, jusqu’à maintenant, la plupart des AGA ne demandaient pas à leurs adhérents de leur fournir ce grand livre. Or dès lors que les AGA disposeront de ce document et des pièces justificatives, nous serons bien en présence d’un contrôle fiscal !
Ce que l’administration veut absolument éviter. Mais on voit bien qu’elle n’est pas très sûre de sa position puisque, pour donner le change, le décret ajoute que « ce document [le grand livre] est détruit par l’association une fois l’examen réalisé ». En outre, « il n’est en aucun cas fourni par l’association à l’administration fiscale ». On fera remarquer d’une part, qu’une fois l’examen réalisé, le grand livre ne sera plus utile à l’AGA et que sa destruction évitera à celle-ci des problèmes de stockage et, d’autre part, qu’il ne sera certes pas transmis à l’administration mais que les résultats de l’examen lui seront bien communiqués.
On est donc face à un contrôle fiscal qui ne veut pas dire son nom, mais sans les nombreuses garanties qui s’attachent à la vérification de comptabilité « officielle », comme la durée de la vérification, le débat oral et contradictoire, etc. Le décret prévoit en effet une seule garantie : « l’adhérent est mis en mesure de présenter ses observations en réponse aux éventuelles questions et critiques formulées par l’association dans le cadre de cet examen ». C’est bien la moindre des choses mais que se passera-t-il en cas de litige ?
La question essentielle est de savoir ce que fera l’association agréée lorsqu’elle disposera du grand livre et des pièces justificatives. En ce qui concerne ces dernières, elle devra s’assurer de leur existence et de leur conformité (c'est-à-dire savoir si elles comportent toutes les mentions obligatoires comme la date, la nature de la dépense ou les coordonnées du fournisseur). Mais elle pourrait également tenter d’apprécier la déductibilité de la dépense, vérifier par exemple qu’il ne s’agit pas d’une dépense privée, ainsi que son importance au regard de l’activité de l’adhérent (par exemple, pour les frais de réception). Ce qui est jusqu’à maintenant la prérogative de l’administration fiscale.
Et que pourra-t-elle faire ensuite ? Aura-t-elle la possibilité de demander une déclaration rectificative si une pièce justificative est manquante ? Ou devra-t-elle se contenter de faire une remarque à l’adhérent ?
Car à la fin de l’examen de sincérité, l’association devra en porter le résultat sur le « compte rendu de mission » qu'elle envoie chaque année à l’adhérent et à l’administration fiscale. Avec le risque, si l’AGA signale une anomalie, d’inciter le fisc à déclencher une vérification de comptabilité…
Le fichier des écritures comptables
Le décret met discrètement à la charge des associations agréées une autre mission : « l’association contrôle la capacité de ses adhérents à respecter, le cas échéant, le I de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales ». Que dit cet article ?
Si vous tenez une comptabilité informatisée et si vous faites l’objet d’une vérification de comptabilité, vous devez obligatoirement fournir à l’administration fiscale, au début du contrôle, une copie du « fichier des écritures comptables » ressortant de votre comptabilité informatisée, conforme à des normes fixées par un arrêté du ministre du Budget. Si vous n’êtes pas en mesure de le faire ou si votre copie n’est pas conforme, vous risquez une amende de 5 000 euros ! C’est donc cette obligation que les AGA devront faire respecter.
Ces nouvelles règles vont également compliquer sérieusement la vie des associations agréées. Elles vont entraîner un important surcroît de travail et, certainement la tentation (ou l’obligation pour certaines AGA) d’augmenter le montant de leur cotisation. Ce sont donc en fin de compte les adhérents qui vont financer le nouvel examen de sincérité…
Les AGA auront en outre des décisions beaucoup plus complexes à prendre. D’où deux écueils : en faire trop, ce qui pourra entraîner le départ des adhérents ou générer des litiges avec ceux-ci ou bien ne pas en faire assez et risquer un retrait de l’agrément, l’administration fiscale ayant indiqué qu’elle suivrait de près l’application des nouvelles mesures.
Le décret entraînera également un supplément d’activité pour les cabinets comptables, avec une possible augmentation des honoraires à la clé.
La seule bonne nouvelle contenue dans le décret concerne les auto-entrepreneurs. En effet, lorsque leurs recettes dépassent 32 900 euros, ils passent au régime de la déclaration contrôlée. Jusqu’à maintenant, s’ils n’avaient pas pris la précaution d’adhérer à une AGA, leur bénéfice était automatiquement majoré de 25 %. Désormais, ils auront jusqu’au 31 décembre de l’année de franchissement de la limite pour adhérer à une association agréée au titre de cette année.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique