C'est un énième coup de semonce qui tombe à point nommé. À deux jours du coup d'envoi, au Mans, de la concertation sur la santé dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) imaginé par Emmanuel Macron, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) sonne l'alarme sur l'accès dégradé aux soins primaires. Réunie en congrès en Dordogne, à Eymet, du 30 septembre au 2 octobre, l'AMRF publie ce vendredi une étude alarmiste sur la désertification médicale. L'analyse porte sur la répartition des médecins généralistes comme des spécialistes en exercice libéral exclusif ou mixte (hors étudiants, remplaçants et intérimaires) par bassins de vie.
Seuls 18 % des bassins de vie ruraux assez dotés
Résultat : il manquerait plus de 6 000 généralistes dans les bassins de vie ruraux par rapport à « l'objectif souhaitable » d'un omnipraticien pour 1 000 habitants, selon cette étude, qui confirme d'autres enquêtes. Depuis 2020 en effet, l'AMRF publie régulièrement des analyses d'Emmanuel Vigneron, professeur des universités à Montpellier et spécialiste de l'approche territoriale de la santé, pour illustrer le déficit d'accès aux soins en milieu rural. Au total en France, « si 31 % des bassins de vie urbains atteignent cet objectif d’un pour 1 000, seuls 18 % des bassins ruraux sont suffisamment dotés », signale l'AMRF.
En prenant le seul exemple de la Dordogne, département rural de 400 000 habitants où sont installés 305 généralistes, l'étude montre qu'il manque 122 médecins de famille pour atteindre – sur la totalité des 21 bassins de vie – le taux cible d'un praticien pour 1 000 habitants, la moyenne nationale étant actuellement de 0,83.
Autre donnée mise en avant : dans les bassins de vie ruraux, « un généraliste couvre en moyenne 30 km² », contre 5 km² dans les secteurs urbains. « La réalité de l'accessibilité à la présence médicale est donc six fois plus faible en milieu rural qu'en ville », résume l'association.
Pénurie aussi chez les spés
De tels écarts de répartition s'observent aussi dans les spécialités étudiées hors médecine générale (cardiologie, dermatologie, gynécologie, gastroentérologie, anesthésie, ORL, pédiatrie, psychiatrie, radiologie/imagerie et rhumatologie). Alors que la densité est élevée dans les grandes métropoles et sur la façade méditerranéenne, la pénurie de spécialistes est criante dans des départements du centre ou de l'ouest du pays. L'étude montre par exemple qu'il y a un « excédent » de 1 296 spécialistes libéraux dans les Bouches-du-Rhône alors qu’il manque 138 spécialistes en Dordogne. Un écart très marqué en anesthésie, gynécologie, pédiatrie et psychiatrie.
L'AMRF souligne que les études qu'elle a publiées depuis 2020 font aussi le « constat alarmant », dans les territoires ruraux, d'une aggravation des écarts d'espérance de vie, d'une moindre consommation de soins hospitaliers et d'un vieillissement des professionnels de santé.
Équipes de soins, guichet unique, stages hors CHU...
Dans ce contexte, l'AMRF avance plusieurs propositions jugées « réalisables et consensuelles ». Pas de mesure coercitive à l'installation mais d'abord des moyens accrus aux étudiants en santé pour multiplier les stages en dehors du lieu de formation initiale – davantage de maîtres de stage, hébergements territoriaux, aides au transport.
L'AMRF mise ensuite sur le développement des équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap) permettant à un professionnel de déclencher de façon simple une coordination au cœur d'un épisode de soins.
La troisième recommandation vise à faciliter l'installation des professionnels, avec un « guichet unique » qui centralise au niveau du département les aides financières et l’accompagnement administratif. Cette piste figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Enfin, l'organisation appelle à développer le partage de compétences, les exercices mixtes ville/hôpital particulièrement en zone sous-dotée.
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