Les réunions préparatoires en vue de la convention médicale 2023 se poursuivent sous la houlette de la Cnam, qui a présenté aux syndicats, lors de la dernière séance, un bilan édifiant des pratiques tarifaires depuis 2000. Selon le document que s'est procuré « Le Quotidien », seuls 5 % des généralistes et MEP exercent aujourd'hui en secteur II à honoraires libres (ou droit à dépassement permanent) mais c'est désormais le cas de 51 % des spécialistes libéraux (soit 28 060 praticiens), taux en croissance constante depuis 20 ans.
Le nombre de spécialistes en secteur II a ainsi bondi de 37 % en 2000 à 51 % en 2021. Cette hausse des effectifs à honoraires libres est très marquée chez les anesthésistes, les gynécologues-obstétriciens et les ophtalmologistes. À l’inverse, la part des généralistes installés en secteur II est en diminution constante, passant de 14 % à 5 % au cours des deux dernières décennies.
Qu'en est-il du taux de dépassement des praticiens de secteur II ? Après avoir connu une baisse continue depuis 10 ans (près de 10 points !) sous l'effet des contrats de modération tarifaire (d'abord en 2012 avec le CAS puis à partir de 2016 avec les Optam et Optam-Co pour les chirurgiens et obstétriciens), l'évolution du taux de dépassement total des médecins a rebondi pour la première fois l'an passé (de 46,5 % à 47,9 %). Ce bilan tarifaire révèle ainsi que les mécanismes instaurés pour contenir les dépassements d'honoraires avaient jusque-là porté leurs fruits mais trouvent sans doute leurs limites. Autre indice de cette situation, le taux d'honoraires opposables stagne désormais (43,4 %).
Surtout, la pratique des dépassements se révèle toujours extrêmement disparate selon les départements. Pour un taux moyen de dépassement de 47,9 %, les pratiques vont de 108 % à Paris et 66 % dans les Hauts-de-Seine à 13 % dans l'Aveyron.
Optam : près de 15 000 adhérents
Qu'en est-il, quantitativement, des dispositifs de l'Optam/Optam-Co ? Ces options de modération tarifaire (Optam pour l'ensemble des médecins, toutes spécialités, autorisés à pratiquer des honoraires différents et Optam-Co pour les chirurgiens ou obstétriciens ayant réalisé au moins 50 actes « de chirurgie » ou « d’obstétrique ») ont séduit un total de 14 975 adhérents en 2021 sur près de 29 000 praticiens éligibles, soit un « taux d'adhésion de 52 % », révèle ce bilan, qui traduit un certain plafonnement.
Là aussi, surtout, ces contrats intéressent les spécialités de façon extrêmement variable : ils ont convaincu 70 % des neurologues, internistes ou pneumologues éligibles, 60 % des cardiologues, pédiatres et endocrinologues, 57 % des chirurgiens mais seulement 34 % des dermatologues et 26 % des ophtalmos.
(Lecture : la taille des bulles est proportionnelle au nombre d'éligibles)
Rappelons que les signataires des Optam sont encouragés à stabiliser leurs tarifs et à facturer davantage aux tarifs conventionnés avec des engagements sur le respect d’un taux moyen de dépassement et la réalisation d’une partie de leur activité au tarif opposable, en contrepartie d'avantages financiers (prime dans l'Optam, modificateurs chirurgicaux majorés dans l'Optam-Co). Le bilan révèle que, pour l'Optam, 67 % des adhérents (7 426 médecins) ont respecté strictement les taux d'engagement et 81 % ont eu un écart inférieur ou égal à 5 points. Quant à l'Optam-Co, le taux de praticiens respectant strictement leurs engagements est limité à 43 %.
Outils fatigués ?
Pour la CSMF et Avenir-Spé, ce bilan traduit un dispositif « à bout de souffle ». « Les contrats ont bien fonctionné pendant un moment, analyse le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir-Spé. Mais on ne les a pas assez accompagnés. » Blocage des tarifs, gel du coût de la pratique, défaut de lisibilité : les contrats de modération tarifaire ont sans doute perdu de leur caractère incitatif. Raison pour laquelle la CSMF propose de les réviser. Son président, le Dr Franck Devulder, avance l'idée d' « un espace de liberté tarifaire conditionné par exemple à une réponse territoriale ».
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