LES MENTALITES devront forcément évoluer dans les dix ans à venir, ne serait-ce que pour des raisons démographiques. En effet, le manque de personnel formé va se faire sentir, or il faut 11 ans pour former un médecin anesthésiste-réanimateur et 5 ans pour former un infirmier anesthésiste. Le regroupement des plateaux techniques va permettre de résoudre en partie ce problème, mais pas totalement. Etant donné qu’aux États-Unis, les infirmiers anesthésistes gèrent seuls certaines anesthésies de patients sans aucun antécédent particulier, beaucoup d’infirmiers anesthésistes en France aspirent à davantage d’autonomie. « Pour toutes ces raisons, le duo infirmier-médecin anesthésiste est appelé à évoluer. Mais cette évolution ne doit pas se faire au détriment de la sécurité, d’autant qu’en cas de procès, les médecins anesthésistes-réanimateurs craignent d’être tenus pour responsables de complications d’actes qu’ils n’auraient pas réalisés ! C’est pourquoi il est aussi important que ce duo arrive à retrouver une confiance réciproque » insiste le Pr Bazin.
Encore trop de confusion des rôles.
D’un côté, les infirmiers anesthésistes (IADE) considèrent, à juste titre, qu’ils ont plus de responsabilité et davantage de formation qu’un infirmier (IDE) – les IADE ont d’ailleurs une « exclusivité d’exercice » reconnue par l’attribution d’actes spécifiques –, mais que leur rémunération ne suit pas, loin s’en faut. Alors que le diplôme d’infirmier d’état est reconnu au grade de licence (bac +3), celui d’IADE n’est pas automatiquement reconnu au grade de master (bac +5), ce qui ne fait qu’accentuer ce sentiment d’une formation non reconnue à sa juste valeur.
D’un autre côté, certains politiques aimeraient bien pouvoir réduire le coût global de l’anesthésie en leur confiant la prise en charge des patients sans antécédent particulier, pour des raisons économiques évidentes. De quoi générer un malaise auprès des médecins anesthésistes-réanimateurs, qui tiennent à garder leur rôle de prescripteur et rappellent qu’il ne faut pas confondre l’acte d’anesthésie (le geste technique) avec le choix des produits utilisés (la prescription).
Un juste milieu à trouver.
Des réunions de travail sur ce thème ont déjà eu lieu au ministère de la Santé. Elles ont pour objectif de redéfinir le cadre de la coopération entre ces deux professionnels et donc de répondre à diverses questions :
– quelles sont les activités que peut assurer l’infirmier anesthésiste en parfaite autonomie ?
– quelles sont celles qui nécessitent la présence du médecin anesthésiste-réanimateur ?
– où s’arrête le champ de compétence de l’infirmier anesthésiste ? Cette question est particulièrement importante, car elle soulève celle de la responsabilité propre. S’agit-il d’une délégation en présence du médecin ou d’une responsabilité de l’IADE ? Et qu’en est-il alors en cas de survenue de complications et de patients qui portent plainte ?
– enfin, des activités qui ne sont aujourd’hui, pas pratiquées par les IADE – comme la prescription postopératoire d’antalgiques ou la présence d’un IADE sans médecin dans les SAMU et les SMUR, par exemple – pourraient-elles le devenir demain ? Si oui, voilà qui pourrait avoir un impact direct sur les contenus des formations et la définition du champ d’exercice des IADE.
Et le Pr Bazin de conclure : « si les coopérations entre infirmiers anesthésistes et médecins anesthésistes-réanimateurs sont la réalité quotidienne de la quasi-totalité des blocs opératoires français, il est clair qu’elles devront être amenées à évoluer dans les prochaines années. Clarifier les rôles de chacun est ainsi une nécessité si l’on veut mettre fin au mal-être qui règne dans les deux professions et permettre aux infirmiers et aux médecins anesthésistes, de continuer à travailler ensemble, en toute sérénité ».
D’après un entretien avec le Pr Jean-Etienne Bazin, chef du service d’anesthésie–réanimation, CHRU de Clermont-Ferrand.
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