Réunis pendant deux jours, jeudi et vendredi, pour la 10e édition des Rencontres du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir), plus de 150 jeunes confrères se sont retrouvés à Orléans, pour un congrès placé sous le signe des « soins primaires au-delà des frontières ».
Frontière entre les pays, entre les soignants mais aussi rempart de l’accès aux soins. « Face à une démographie médicale rachitique, chaque jour le fossé se creuse entre les propositions de régulation à l’installation et les jeunes médecins effrayés par leur début d’exercice », a lancé, en ouverture du congrès ce jeudi, la Dr Agathe Lechevalier, généraliste et présidente de Reagjir, devant le maire d’Orléans et la directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins de la Cnam.
« Vous êtes à Orléans, vous allez y rester »
Au cœur du chef-lieu du Loiret, son maire Serge Grouard a entonné un discours tonitruant pour pousser les généralistes à s’installer dans sa commune. « Vous aviez prévu quelque chose ce week-end ? C’est raté ! Vous êtes à Orléans, vous allez y rester », a-t-il lancé sous les rires des généralistes venus de toute la France, avant de rappeler la démographie médicale dévastée du département. « Dans le Loiret, 150 000 personnes n’ont pas de médecin traitant et les urgences explosent, a déploré l’édile LR, connu pour sa virulence contre les déserts médicaux. C’est le serpent qui se mord la queue dans un système infernal, l’hôpital est à bout de souffle ».
Face à la « défaillance » politique, « nous sommes dans un pays qui n’arrive plus à soigner la population, vous le savez bien », a insisté le maire d’Orléans, qui dit se « battre depuis 20 ans » pour obtenir un CHU et une faculté de médecine dans sa ville. Une demande finalement satisfaite en février dernier par Jean Castex. « Un petit miracle », pour Serge Grouard, qui précise que le CHU devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année. 105 étudiants seront également accueillis en PASS à la rentrée prochaine.
Mais le maire ne souhaite pas « attendre six à huit ans pour former les médecins ». C'est pourquoi il a favorisé l'ouverture en parallèle d'une antenne de la fac privée de Zagreb dans sa ville dès la rentrée prochaine. Un enseignement, en grande partie en visio, qui coûtera la modique somme de 12 000 euros l’année pour les étudiants. Le projet avait provoqué un tollé chez les carabins et les doyens. « Nous faisons preuve de détermination, et prenons le problème à bras-le-corps », assume Serge Grouard.
Soulager des tâches administratives
Pour lutter contre la désertification, « il a suffi qu’un Premier ministre un peu plus courageux que les autres ait pris une vraie décision politique, il faut en finir avec la technostructure qui ne fait que reproduire des schémas passés », a vilipendé le maire républicain. Invitée à prendre la parole, Marguerite Cazeneuve, a regretté « le technostructure bashing, au sein de l’État, beaucoup de gens font ce qu’ils peuvent là où ils peuvent ».
La directrice déléguée de la Cnam souhaite plutôt proposer aux jeunes généralistes « une feuille de route de l’accès au soin ». « Avec la crise hospitalière, la crise des vocations, le temps médical se réduit. Et les cinq années à venir vont être encore plus compliquées », anticipe Marguerite Cazeneuve. Alors que la Cnam va entamer d’ici quelques semaines les négociations autour de la prochaine convention médicale, « l’un de nos objectifs sera d’identifier - avec vous médecins - tout ce qui peut vous soulager du temps administratif », avec pour objectif notamment que « chaque patient de plus de 60 ans ou en ALD ait un médecin traitant ».
Par exemple, si 3 000 assistants médicaux sont référencés par la Cnam aujourd’hui « nous avons sans doute mis trop de verrous, ça fait peut-être encore peur à certains médecins, nous travaillons donc à des dispositifs d’assistants médicaux moins contraignants », annonce Marguerite Cazeneuve. Elle imagine également la mise à disposition, avec les ARS, « de cabinets clés en main ».
La directrice déléguée de la Cnam en a par ailleurs profité pour louer les valeurs des jeunes confrères, loin du « corporatisme », notamment sur les délégations de tâches. « C’est très générationnel », pense-t-elle. « Beaucoup de médecins disent que, si on leur retire les patients les plus faciles, il ne leur restera que les patients les plus lourds. Il faut que l'on arrive à construire une organisation pluriprofessionelle qui les soulage, sans pour autant leur laisser les consultations les plus compliquées », promet Marguerite Cazeneuve.
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