La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, dévoile en exclusivité au « Quotidien » son plan de « lutte contre les déserts médicaux », adopté ce jeudi lors de la séance plénière du conseil régional. Objectif : aider les médecins à s'installer et à sécuriser leur cabinet, soutenir les structures d'exercice collectif et développer la télémédecine.
LE QUOTIDIEN : La région se saisit de la lutte contre les déserts médicaux. Y a-t-il une défaillance de l'État ?
VALÉRIE PÉCRESSE : Non, mais je pense que l’État va surtout travailler sur les déserts médicaux dans les départements très ruraux. L’Ile-de-France aurait été oubliée alors qu'en nombre de personnes concernées par l’absence d’offre d’accès aux soins, c'est le premier désert médical en France ! Dans la région, une commune sur deux n'a aucun généraliste installé soit 430 000 franciliens impactés... La répartition de l'offre est très disparate. Il fallait donc que la région prenne le leadership dans le champ de la santé. Nous nous sommes concertés pendant plusieurs mois avec les professionnels, les Ordres, les URPS, l'agence régionale de santé, avec l’objectif de maintenir ou de ramener des professionnels de santé sur notre territoire.
Quelles sont les problématiques spécifiques à l'Ile-de-France ?
À Paris, les généralistes et les spécialistes de secteur I sont rares à cause du coût de la vie et du prix des loyers. On ne peut pas parler de défaut d’accès à la santé mais de défaut d’accès aux tarifs opposables.
Le plan que nous venons d'adopter s'attache surtout à résoudre les difficultés particulières des villes de banlieue. Plus on va vers les quartiers populaires et ruraux, plus les zones sont carencées. La moyenne d'âge des omnipraticiens franciliens s'élève à 57 ans. Les praticiens partent à la retraite et ne sont pas toujours remplacés. Il y a aussi davantage de femmes qui aspirent à des horaires différents, en exercice groupé ou salarié.
Autre spécificité : l’insécurité forte qui touche des territoires comme la Seine-Saint-Denis ou le Val d’Oise. Les praticiens hésitent à s'y installer ! Enfin s'ajoute un phénomène de "congestion". Avec les embouteillages qui se multiplient, des zones sont extrêmement mal desservies en grande couronne. C'est pourquoi nous avons créé des incitations fortes.
Quelles sont ces subventions et leur répartition ?
Premièrement, pour verser les aides financières, nous allons nous affranchir du « zonage » territorial des ARS, trop statique et peu pertinent, excluant de nombreuses zones en tension. Nous allons donc créer un choc de simplification dans la lutte contre les déserts médicaux car il y avait beaucoup trop de contraintes administratives.
L'attribution de subventions concernera tous les médecins, généralistes et spécialistes de premier recours, mais aussi les infirmiers, kinés, sages-femmes, l'ensemble des structures d'exercice collectif quel que soit leur mode, libéral ou salarié, mais aussi les libéraux exerçant seuls. Nous n'interviendrons pas dans les choix d'exercice des médecins mais nous subventionnerons aussi les spécialistes de secteur II sous réserve d'être engagés dans le mécanisme de modération tarifaire (OPTAM, NDLR).
Concrètement, l’aide régionale à l’équipement et aux travaux des cabinets de groupe ira jusqu'à un plafond de 15 000 euros, tout comme l'aide à la sécurisation des locaux pour les médecins isolés. Pour les structures d’exercice collectif, l'aide à l'acquisition foncière et aux travaux sera de 30 % de la dépense engagée dans la limite de 300 000 euros, et de 50 % de la dépense jusqu'à 150 000 euros pour l'équipement.
Ce soutien en investissement sera étendu aux kinés, infirmières et aux sages-femmes, car il y a une énorme pénurie.
Vous misez aussi sur la télémédecine ?
Je demande au gouvernement le remboursement par la Sécurité sociale des consultations de télémédecine. Il est indispensable de développer cette pratique pour le suivi des pathologies chroniques, par exemple pour les habitants de banlieue éloignée. Je considère aussi qu'il y a un sujet sur le coût des transports médicaux en Ile-de-France, qui pourrait être évité avec le développement de la télémédecine.
Nous verrons avec les intercommunalités et les collectivités quelles sont les structures d’accueil pertinentes pour déployer la télémédecine dans les zones rurales. La région va travailler avec des start-up qui ont créé des laboratoires mobiles pour faire des prélèvements et des dialyses. Nous financerons certains projets de collectivités qui souhaitent faire l'acquisition de dispositifs connectés en santé. L’important est d’avoir un accès plus rapide aux spécialistes, de désengorger les urgences et de faire gagner du temps aux patients.
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