L’ÉQUIPE d’anesthésie-réanimation est encore sous le choc. Personne n’avait imaginé que cette IADE au professionnalisme reconnu mettrait fin à ses jours. Elle a laissé plusieurs lettres pour expliquer qu’il ne lui était plus possible de vivre après une telle faute.
Son erreur, pourtant, n’a pas porté à conséquence. La dame âgée qui a reçu une poche de sang destinée à un autre patient s’en est remise, après un passage en réanimation. La famille n’a pas porté plainte. « Cette infirmière était surinvestie. Elle était dans une approche de qualité totale », raconte l’un des médecins du travail du CHU. « Elle n’a pas supporté son geste. Il aurait fallu vérifier la poche de sang une dernière fois au lit du patient, sous le contrôle de l’anesthésiste-réanimateur qui, depuis, n’est pas bien du tout », confie un médecin de l’équipe. La culpabilité a rongé l’IADE, à présent elle ronge ceux qui restent. « On se pose énormément de questions, reprend ce médecin. Le contrôle des poches fait partie du travail habituel. Le soir où s’est produite l’erreur, l’équipe des urgences était au complet, alors qu’il manquait du monde le week-end précédent ». Malgré l’absence de coup de feu, il y a eu une forte surcharge émotionnelle aux urgences ce soir là, en raison de l’arrivée d’une soignante très mal en point. Ce qui fait dire au médecin du travail qu’une infirmière de plus dans l’équipe n’y aurait rien changé.
Cellule d’écoute psychologique.
« Nous avons bien entouré notre collègue, mais cela n’a pas suffi, commente un anesthésiste. Des facteurs personnels expliquent sans doute son geste, mais il ne faut surtout pas négliger le travail. Il y a une souffrance particulière en anesthésie-réanimation. Il faudrait stopper la pression T2A en amont. On risque peut-être d’avoir un déficit, mais tant pis ».
Quand un pôle est en sous-effectif, la médecine du travail conseille au chef de pôle d’écrire à l’ARS, pour se couvrir en cas de pépin. Les syndicats de personnel non médical, de leur côté, s’interrogent sur l’organisation du travail au bloc. « On se demande si l’IADE qui s’est suicidée n’a pas vu sa vigilance diminuée par la fatigue, expose ce chef de file syndical. Pour protéger les agents, nous pensons qu’il ne faut plus travailler 12 heures d’affilée. Les IADE n’y sont pas favorables, et les médecins n’aident pas, quand ils rappellent qu’ils sont capables de travailler 24 heures non-stop ».
Une infirmière qui a quitté le CHU d’Angers en 2011 raconte que le climat s’y est dégradé ces dernières années. « Le CHU est à l’équilibre, c’est vrai, mais parce qu’on a serré les vis. Le turn over, le raccourcissement des séjours, la comparaison incessante avec le privé : tout cela met les équipes mal à l’aise ». Le CHU d’Angers a mis en place une cellule d’écoute psychologique à disposition en cas de crise. Chaque année, le personnel répond à un questionnaire anonyme afin de signaler les motifs de stress ; des actions d’accompagnement sont en place pour aider les plus vulnérables. L’IADE n’a pas appelé la cellule d’urgence. « Un protocole n’empêchera jamais certains de passer à l’acte », estime un praticien.
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