Histoires vécues en temps de Covid

« Si votre mari part à l’hôpital, vous ne le verrez plus »

Publié le 03/08/2020

En raison du confinement, certaines familles n'ont pas pu accompagner leur proche dans ses derniers instants. Ça n'a pas toujours été une fatalité, comme en témoigne cette généraliste. Durant le mois d’août, « le Quotidien » publie les témoignages de médecins confrontés à la crise épidémique. Merci à eux de partager avec leurs confrères ces moments qui les ont marqués.

Crédit photo : Phanie

Début du confinement. Un patient âgé de 80 ans rentre à son domicile après avoir séjourné à l’hôpital pour un motif qui n’avait rien à voir avec l’épidémie de coronavirus. Quelques jours plus tard, sa femme m’appelle. Son mari est très malade : fièvre, toux…

Je lui rends visite le lendemain, en prenant toutes les précautions sanitaires : masques, gants. L’homme, déjà grabataire, a tous les symptômes du Covid-19, qu’il a probablement contracté à l’hôpital. Devant son état, sa femme est très inquiète.

La question de l’hospitaliser se pose, mais elle me demande si sa fille, qui travaille dans une autre région peut passer voir son père avant. Je savais que cet homme allait mourir, qu’il n’allait pas s’en sortir. J’ai dit à sa femme, qui est une ancienne infirmière : « Si votre mari part à l’hôpital, vous ne le verrez plus. Vous ne pourrez pas lui dire au revoir. »

Un moment très fort sur le plan émotionnel

On a longuement discuté sur ce qu’il fallait faire. Je lui ai conseillé de le garder à la maison. Je l’ai dit dans l’intérêt du patient, de sa femme et de sa fille. Celle-ci a finalement pu venir et voir son père une dernière fois. Ils ont passé la journée ensemble tous les trois. Dans la nuit qui a suivi, l'homme est décédé.

Tout cela s’est passé en 24 heures. Ça a été un moment très fort sur le plan émotionnel. Plus tard, sa femme m’a vivement remerciée. Elle était soulagée d’avoir passé ces derniers moments avec son mari, d’avoir pu lui dire au revoir.

J’avais conscience d’avoir pris un risque et de les exposer à une possible contamination. Elles ont pris toutes les précautions pour se protéger et aucune des deux n’a été malade par la suite. Ça a été pour moi une grande satisfaction de leur avoir permis de vivre ensemble les derniers moments de leur proche. Certaines familles n’ont pas eu cette chance à l’hôpital ou dans les EHPAD en raison du confinement.

Dr Delphine

Source : lequotidiendumedecin.fr