Sévère sur les relations conventionnelles entre les médecins libéraux et l'Assurance-maladie, la Cour des comptes s'est également penchée sur l'imagerie médicale et la radiothérapie. Ces deux disciplines ne sont pas épargnées par la juridiction financière, qui appelle à une meilleure maîtrise de leurs dépenses et tarifs.
Disparités
Les magistrats brossent un portrait en demi-teinte du secteur de l'imagerie médicale, qui fait face à des « besoins croissants » connaît d'importants progrès technologiques. Si le parc moderne des équipements est en croissance forte, leur densité reste moindre en France par rapport aux pays de l'OCDE. L'utilisation qui en est faite est donc « plus intensive », et le renouvellement plus fréquent.
Conséquence, les dépenses d'imagerie médicale en ville sont trop dynamiques, selon la Cour. En 2021, elles ont atteint 4,8 milliards d'euros, en hausse de 11,7 % (après un repli pendant le Covid), portées par les échographies et l'imagerie lourde. Ce développement se fait « sous contrainte », note la rue Cambon, avec une démographie médicale vieillissante en ville et un fort taux de vacance à l'hôpital (46 % pour les PH temps plein). Les disparités régionales sont fortes, par exemple sur l'accès aux IRM – 19,5 jours en Île-de-France, contre 70 jours en Pays de la Loire.
Objectiver les charges
Une « relance des actions de maîtrise des dépenses et des volumes d'actes » est nécessaire, juge la Cour. La régulation serait à ses yeux « peu pratiquée », la capacité de l'Assurance-maladie à modifier les tarifs étant limitée. La Cnam a par exemple peu accès aux « données comptables » des exploitants d'appareils, et donc pas de connaissance précise des charges d'équipement – une mesure est prévue dans le PLFSS 2023 sur ce point.
Les magistrats constatent ensuite que l'accord sur la pertinence conclu pour trois ans en 2018 entre la Cnam et la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) n'a pas porté ses fruits. Les objectifs de pertinence des soins « n’ont été que partiellement atteints » (à 60 % en 2018 puis à 30 % en 2019). « Or, cette insuffisance de résultats n’a pas été compensée par des mesures tarifaires », tance la Cour. Elle suggère d'entamer des négociations avec les radiologues en vue d'un protocole pluriannuel reposant sur une logique « prix/volume » et des référentiels de pertinence. Le rapport réclame de mieux « objectiver les charges » couvertes par les forfaits techniques et ouvre la porte à de nouveaux modes de rémunération forfaitaire, via l'article 51 (sur l'innovation en santé). Enfin, la Cour recommande de prévoir « dans un futur vecteur législatif » la participation des radiologues libéraux à la permanence des soins.
Méthodes discutables de facturation
La radiothérapie est également scrutée. Le montant des dépenses financées par l’Assurance-maladie s’élevait à 1,5 milliard d'euros en 2020. L'activité est pourtant beaucoup plus récente : plus de 70 % des 174 centres autorisés ont été installés entre 2010 et 2020. Les soins y étant très spécialisés, les activités sont fortement encadrées, avec une autorisation d'activité de sept ans, complétée d'un feu vert de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Selon la Cour, le cadre tarifaire n'est pas adapté à l'activité de radiothérapie, dont les dépenses ont fortement augmenté. Dans le secteur public ou privé non lucratif et dans le secteur libéral, la hausse a été respectivement de 4 % et de 8,9 % par an, entre 2015 et 2020. En établissement de santé, « les tarifs sont supérieurs de 75 % aux coûts de réalisation des actes ». Et en libéral, « la codification des actes n’étant plus adaptée aux pratiques », les radiothérapeutes libéraux pratiquent des méthodes de facturation « discutables » pour valoriser leurs actes.
Pression sur les cabinets libéraux
Cette tarification inadaptée a des conséquences y compris « sur la diffusion de l'innovation et la connaissance des pratiques médicales », regrette la Cour. Certains actes avec technologies récentes sont « mal valorisés », alors qu’ils offrent des possibilités de traitement plus précis. Elle appelle donc le ministère à mener la réforme de la tarification « à son terme » au plus tard en janvier 2024, et à renforcer le cadre national de pilotage, et l'offre territoriale.
Ce n'est pas tout. La Cour demande d'appliquer « les mêmes exigences » en matière d’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins, de recueil de l’activité et de connaissance de la structure des coûts, à tous les services de radiothérapie titulaires ou bénéficiaires d’une autorisation de soins, « quel que soit leur statut ». À défaut, les cabinets libéraux exerçant la radiothérapie devront se transformer en établissements de santé, tranche la Cour.
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