La vie humaine
se tisse autour d’un jeu sur l’intime et l’« extime » : chacun est libre d’exercer une certaine souveraineté sur ce qu’il souhaite montrer et cacher de sa vie privée, son passé familial, son corps...Or, l’hospitalisation et l’institutionnalisation peuvent malmener cette souveraineté. À l’hôpital, par exemple, lors des soins quotidiens ou d’une anesthésie, le patient se laisse ausculter : il dévoile son corps, ses faiblesses. « Cette situation de soumission aux soignants peut être supportée lorsqu’elle est considérée comme provisoire. En revanche, l’institutionnalisation en EHPAD est définitive. Elle n’est pas toujours souhaitée par la personne âgée qui perd alors la maîtrise sur ce qu’elle montre et ce qu’elle cache. Lors de la toilette et des soins, par exemple, le personnel soignant des EHPAD doit alors agir avec tact et délicatesse et s’attacher à ce que la pudeur du résident (c’est-à-dire, la possibilité d’avoir honte) ne se transforme pas en honte réelle », souligne Éric Fiat, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-est Marne-la-Vallée. Une tâche d’autant plus difficile que les soignants en EHPAD manquent souvent de temps mais aussi de formation les sensibilisant à la dignité de la personne âgée.
Respecter le résident dans son humanité
Pour respecter leur pudeur et leur intimité, les stratégies sont multiples. Éric Fiat, pour sa part, a choisi de faire l’éloge du clair/obscur. « Certaines personnes sont prêtes à se mettre nues pour être lavées, examinées. D’autres, au contraire, considèrent ces actes comme intrusifs, voire invasifs. Pour respecter leur dignité, les soignants peuvent penser à pratiquer leurs actes en jaugeant la part de lumière que chacun est capable d’accepter, la part d’ombre dont elle sent le besoin. Par exemple, en faisant attention à ne pas regarder la personne âgée de façon insistante, à la toucher de façon délicate, à ne pas allumer les lumières fortes lorsqu’elle se dénude ».
Certaines maladies responsables de démence peuvent, au contraire, entraîner une désinhibition. Les personnes qui en souffrent peuvent alors parler ouvertement de leur vie intime actuelle ou passée, devenir exhibitionnistes, employer des mots vulgaires… « Dans ce cas, le rôle du personnel soignant est de les protéger de leur propre impudeur, sans employer des moyens violents ou répressifs. De façon générale, que la personne âgée soit pudique ou désinhibée, elle doit être considérée comme une personne. Il n’y a rien de pire que se sentir déconsidéré, lavé et soigné comme un objet. D’un point de vue thérapeutique, le fait de ne plus se sentir respecté en tant qu’être humain, est catastrophique. Cela aggrave les pathologies et précipite, le plus souvent, le décès de la personne âgée », note Éric Fiat.
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