Pour les Dr Alice Brunel et Guillemette Choquet, 30 ans toutes les deux, c’est en lisant que l’idée d’aller exercer dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) a germé. « J’étais externe et je lisais "Le pire voyage au monde", d’Aspley Cherry-Garrard sur la conquête du pôle sud », se rappelle la première, engagée à bord du Marion Dufresne, le navire qui sillonne les mers pour ravitailler les cinq districts des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Quant à sa collègue, affectée à l’archipel de Crozet, c’est une bande dessinée et « la volonté de changer d’air » qui l’ont décidée à s’engager pour un an à l’autre bout du monde.
Le 30 décembre prochain, les deux jeunes généralistes seront de retour sur l’île de la Réunion, d’où sont administrées les TAAF. Elles passeront le relais à des confrères recrutés un an plus tôt. C’est au mois de décembre chaque année que le service médical renouvelle les praticiens affectés pour 13 mois dans les bases scientifiques françaises du pôle sud et de l’océan Indien.
Exercice en solitaire
Le profil des professionnels recherchés est avant tout axé sur la polyvalence. La plupart d’entre eux sont généralistes ou urgentistes. « Nous privilégions les personnes qui ont déjà travaillé hors d’un contexte classique de soin comme sur un bateau ou dans l’encadrement d’un événement sportif », explique le Dr Paul Laforêt, médecin chef du service médical des TAAF depuis 2014.
La mission principale de ces praticiens, affectés dans l’une des cinq bases ou à bord du Marion Dufresne, a trait au suivi médical des hivernants, majoritairement des ingénieurs et des scientifiques. Comme il n’y a aucun autochtone sur place, le nombre de patients est réduit : 20 à 40 personnes selon les endroits.
Malgré l’aide précieuse de la télémédecine, l’exercice se fait majoritairement en solitaire. Pour s’accompagner, chaque médecin forme dans sa base ses propres assistants. « Si on a un vétérinaire, il fera un bon aide opérateur mais dans le cas d’une anesthésie, on prendra l’électricien pour surveiller le scope et le plombier pour changer les perfusions », résume le Dr Laforêt.
Mission hors du temps
Sous les hautes latitudes, l’exercice médical relève parfois de la mission à risque. « Aussi nous recherchons des médecins qui aient la capacité à ne pas être effrayés par la gestion de l’urgence dans l’autonomie », ajoute l’urgentiste qui partage son activité entre les TAAF et le CHU de Saint-Pierre de la Réunion. Ces médecins d’expédition comme on les appelle sont aussi en charge du secours hors des bases. « Sans voiture, sans bateau, sans hélicoptère et parfois à plusieurs jours ou plusieurs semaines de marche », relate le Dr Laforêt.
Le processus de recrutement tient donc également compte des aptitudes médicales et psychologiques mais aussi de l’âge, qui ne peut excéder 60 ans. En tout, cinq postes de médecins sont à pourvoir chaque année dans les TAAF et un dans l’antenne parisienne.
Une formation de trois mois au sein des hôpitaux d’instruction des armées permet de préparer les recrues aux gestes d’anesthésie, de chirurgie de stabilisation ou encore à certains soins dentaires et techniques d’imagerie. Cette formation a lieu entre juillet et octobre pour un départ en mission d’un an à partir de novembre ou décembre. Les salaires proposés varient entre 3000 et 6000 euros net mensuel en fonction de l’expérience et de l’éloignement.
Mais c’est avant tout le goût de l’aventure qui motive les médecins à postuler. « C’est incroyable de pouvoir accéder par son métier à la nature des terres australes », s’enthousiasme le Dr Choquet quand sa consœur du Marion Dufresne se souvient avec émotion de sa première rencontre avec des manchots au large de l’archipel de Crozet. « C’est une mission hors du temps et une aventure humaine extraordinaire », vante quant à lui le Dr Paul Laforêt.
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