LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : En mars, vous avez appelé les médecins intérimaires à boycotter la cinquantaine d'hôpitaux qui plafonne leur rémunération (1 404,05 euros brut pour 24 heures de travail en 2018, 1 287,05 euros en 2019, 1 170,04 euros à partir de 2020). Où en est-on ?
Dr LYNDA DARRASSE : Le bouche-à-oreille fonctionne bien. Notre liste regroupe désormais les hôpitaux qui payent moins de 65 euros brut de l'heure [soit 1 560 euros brut pour 24 heures, NDLR]. Nous indiquons cette information sur notre site Internet à l'intention de tous les médecins sympathisants. Nous leur conseillons simplement de ne pas aller travailler dans ces établissements. Mais chacun est libre de faire ce qu'il veut, ce n'est pas un appel au boycott.
Depuis le début de notre action, certains hôpitaux qui appliquaient le décret sont revenus à leurs tarifs d'origine. D'autres les ont même augmentés ! Prenez le cas de Bourges. Pendant quelque temps, l'hôpital nous a payés 80 euros brut de l'heure car l'agence régionale de santé leur avait promis des réservistes qui ne sont jamais arrivés ! Il faut dire que la publication de notre liste a contraint des établissements à fermer leurs blocs faute de médecins intérimaires pour les faire tourner.
Nous répondons au principe de l'offre et de la demande. Or, il y a beaucoup plus d'hôpitaux à la recherche de médecins intérimaires que de professionnels disponibles.
À quoi ressemble le quotidien d'un médecin intérimaire ?
Pour prendre mon exemple, cela fait un an et demi que je remplace dans le même hôpital et je n’ai toujours pas de badge, ni de vestiaire, ni de tenue de bloc. Je suis obligée d’attendre devant l’entrée qu’un titulaire vienne pour m’ouvrir la porte. Et je ne parle même pas du stationnement ! Je paye des amendes tous les jours car je n’ai pas accès au parking de l’établissement. Nous essayons de nous intégrer, mais à l'hôpital, les intérimaires sont considérés comme des médecins de seconde zone.
L'Ordre des médecins, la ministre de la Santé et certains syndicats de praticiens hospitaliers rejettent vos revendications. Quel est votre sentiment ?
Aujourd'hui, c'est l'anarchie. On dit que les remplaçants font monter les prix mais ce n'est pas vrai ! Les hôpitaux surenchérissent car ils se livrent à une guerre pour essayer de faire venir des intérimaires en renfort. Nous, nous ne faisons que répondre à des annonces.
Plutôt que de continuer à vivre cette situation, nous avons pris le parti de la discussion. J'ai été convoquée par l'Ordre des médecins pour expliquer les raisons de notre action. On m'a fait comprendre qu'il serait bien que nous continuions à travailler avec les hôpitaux publics tout en négociant en parallèle avec le ministère un plafond de rémunération plus élevé. C'est une très bonne idée. Plutôt que d'abroger le décret, nous proposons donc de plafonner à 65 euros de l'heure. À ce jour, j'ai adressé trois courriers au ministère de la Santé, sans aucune réponse. On en est là.
Allez-vous continuer à boycotter les hôpitaux publics cet été ?
Notre assemblée générale prévue le 30 juin sera décisive. Nous saurons à ce moment-là quelle suite donner au mouvement. Il est évident que beaucoup pensent que nous allons arrêter de travailler en juillet, août et septembre mais ce n'est pas le cas. Nous avons déjà pris nos remplacements. En revanche, les hôpitaux n'ont pas encore fait leur planning pour les mois suivants. Si d'ici là nous ne sommes pas reçus par le ministère de la Santé, nous allons continuer notre action, quitte à l'amplifier sur toute la France et sur un grand nombre d'établissements. S’il faut arrêter de travailler dans tous les hôpitaux, nous le ferons ! Nous sommes déterminés et prêts à affronter cette situation.
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