Un hôpital qui fait de la lutte contre l'hospitalocentrisme son cheval de bataille, ce n'est pas courant. C'est en tout cas la stratégie adoptée depuis 2015 par le centre hospitalier de Douai.
Ce territoire du Nord de la France se caractérise par une population fragilisée à l'extrême, confronté au phénomène de désertification médicale. Selon les statistiques locales, 24 % des habitants des quartiers prioritaires de la ville déclarent avoir renoncé à se soigner au cours des six derniers mois pour des raisons financières. Le Douaisis enregistre une mortalité supérieure de 31 % à la moyenne nationale. La surmortalité prématurée par alcoolisme chez la femme est même supérieure aux indicateurs hexagonaux de 211 %.
Pour diminuer les ruptures de parcours, les retours à domicile mal préparés et les ordonnances mal concertées faute de dialogue entre la ville et l'hôpital, l'établissement a décidé d'opérer un rapprochement avec les 300 médecins libéraux disséminés bon an mal an sur la zone.
Tapis de souris
Pour ce faire, un comité composé de 20 médecins hospitaliers et libéraux se réunit une fois par mois sur une thématique spécifique : télémédecine appliquée à l'AVC, suivi post-réanimation, etc. De cette concertation est sorti au printemps 2016 un annuaire croisé avec les numéros directs (sans passer par les secrétariats) ou les adresses e-mails de tous les médecins du territoire. Les généralistes libéraux se sont également vu remettre un tapis de souris d'ordinateur orné des numéros de permanence médicale des 18 services hospitaliers les plus plébiscités par les patients (cardiologie, chirurgie ambulatoire, urgences, etc.).
En exercice depuis 1985, le Dr Pascal Canu, médecin généraliste à Waziers et membre du comité, apprécie cette initiative : « Les libéraux ne peuvent pas connaître toutes les spécialités de l'hôpital, en pleine évolution. Il y a quelques années, la gastroentérologie, la dermatologie, la rhumatologie ou la psychiatrie n'existaient pas. Maintenant, en cas de besoin, nous pouvons contacter directement un spécialiste d'astreinte. »
Coordonner les pratiques
Le comité finalise ces jours-ci une fiche type d’entrée d'hospitalisation, contenant les antécédents, le traitement médical et l'identité détaillés du patient et de sa personne-ressource. Un courrier post-hospitalisation à l'attention du médecin traitant, de l'infirmier et du pharmacien est dans les tuyaux. Cette harmonisation des pratiques a pour but de faire gagner du temps aux professionnels et aux patients. Surtout, elle tend à coordonner les pratiques médicales et paramédicales. Tout récemment, les infirmiers et les pharmaciens ont fait leur entrée dans la ronde pluriprofessionnelle.
Pour Renaud Dogimont, directeur de l'hôpital de Douai, à l'origine de cette politique d'ouverture à la ville, la clé du succès réside dans le travail en équipe. « Nous anticipons les communautés professionnelles de territoire voulues par la loi de santé, se félicite-t-il. L'hôpital n'impose rien, ce sont les professionnels libéraux qui détaillent leurs besoins. Décloisonner, ça veut dire aussi sortir de ses bureaux. Je me suis rendu dans 60 cabinets médicaux. Beaucoup de libéraux n'avaient pas vu un directeur hospitalier depuis 30 ans ! Cette démarche a certainement aidé à nous rapprocher les uns des autres. »
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique