Les rhumatologues risquent-ils de devenir une espèce en voie de disparition ? « Sans aller jusque-là, il est clair que nous sommes confrontés aujourd’hui à des défis qui vont avoir un impact sur le profil de notre spécialité. Il est évident que, demain, les rhumatologues libéraux ne seront sans doute plus aussi nombreux qu’aujourd’hui et auront un exercice différent, dans des cabinets de groupes à vocation pluri-professionnelle », explique le Dr Jean-Philippe Sanchez. L’atlas 2013 de l’Ordre des médecins apporte un éclairage intéressant sur la situation démographique : en 2012, on recensait 2 400 rhumatologues, répartis de manière relativement inégale sur le territoire. « On constate que, sans surprise, les zones de plus forte densité sont l’Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA mais aussi le sud-ouest et, à un degré moindre, la pointe bretonne et la Normandie », constate le Dr Sanchez.
Sur ces 2 400 rhumatologues, on dénombre 1 360 hommes et 1 040 femmes. « La féminisation de notre spécialité est une autre tendance majeure. Bientôt, les femmes seront majoritaires et il est clair que cela va être impact sur les modes d’exercice. Il faut rester prudent sur cette affirmation qui voudrait que les femmes médecins travaillent moins que les hommes. Elles ont certes des contraintes familiales mais aussi une autre façon d’organiser leur activité. Mais une chose semble certaine : cette féminisation devrait accentuer cet attrait pour un exercice salarié plutôt que libéral », souligne le Dr Sanchez.
Autre constat : sur ces 2 400 rhumatologues, on dénombre 1 201 libéraux, 490 praticiens ayant un exercice mixte, 707 salariés et 2 divers. « À l’avenir, cette répartition devrait évoluer avec, sans doute, une baisse du nombre des rhumatologues libéraux. On le sait : les nouvelles générations privilégient aujourd’hui plus volontiers un exercice salarié et hospitalier que libéral. Et ce phénomène ne touche pas uniquement les jeunes femmes médecins », souligne le Dr Sanchez.
Faut-il prévoir dans les années à venir une baisse importante du nombre de rhumatologues ? « En 2009, une étude de la Drees avait tiré la sonnette d’alarme en indiquant qu’à l’horizon 2030, les effectifs risquaient de baisser de 2 29,8 % soit 1 800 rhumatologues. Mais cette projection avait été faite sans relèvement du numerus clausus. Or, on sait qu’il y a eu une augmentation du nombre de postes d’internes dans le plan 2012-2016. Chaque année, entre 80 et 87 rhumatologues devraient être formés. Au total, sur 4 ans, on devrait atteindre un total de 422 nouveaux rhumatologues. Ce relèvement devrait permettre d’avoir une baisse des effectifs moins importante qu’annoncée. Mais il ne permettra pas de compenser tous les départs à la retraite qui vont inéluctablement se produire au cours des prochaines années en raison du vieillissement de notre spécialité », souligne le Dr Sanchez.
Selon lui, ces futurs rhumatologues risquent d’être déçus car ils ne trouveront pas tous des postes hospitaliers . « Nous avons fait une étude montrant que sur ces 422 rhumatologues, environ 130, peut-être 150 ou 170 au mieux, auront un poste salarié. Les autres devront donc s’orienter vers un exercice libéral », souligne le Dr Sanchez.
Cette situation démographique intervient alors que, dans le même temps, la population vieillit. « Obligatoirement, il faudra se poser des questions sur la rhumatologie de demain. Faudra-il, par la force des choses, s’orienter vers une rhumatologie de l’Europe du nord très axée sur les pathologies inflammatoires ? Ou parviendra-t-on à préserver les spécificités d’une rhumatologie à la française ayant vocation à s’occuper, aussi, des pathologies dégénératives, du mal de dos ou du rachis de la pathologie rachidienne ? Voilà un débat que l’on ne pourra pas esquiver », estime le Dr Sanchez.
D’après un entretien avec le Dr Jean-Philippe Sanchez,Pau
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