La « double réputation d'excellence et d'immobilisme » de l'Assistance publique – hôpitaux de Paris, Martin Hirsch la connaît bien.
À la tête du paquebot francilien de 40 établissements depuis novembre 2013, le directeur général raconte au fil de 270 pages sa gestion quotidienne des paradoxes du CHU, à commencer par la réforme de l'organisation du temps de travail. La mise en place des 35 heures à l'hôpital en 2003 a certes créé 4 000 emplois supplémentaires à l'AP-HP mais elle n'a pas pour autant rendu la situation satisfaisante dans les services, note Martin Hirsch. D'autant qu'à son arrivée à l'AP-HP dix ans plus tard, le patron de l'ARS Ile-de-France Claude Evin lui réclame en plaisantant à moitié 4 000… suppression d'emplois. « Me voilà confronté à une équation compliquée », écrit Martin Hirsch. Faute de moyens supplémentaires, le directeur général décide de revenir sur les 35 heures et de mettre en place une nouvelle organisation du travail « plus économe » afin de diminuer de 165 millions d'euros par an les dépenses d'intérim et de remplacement. Sur plusieurs pages, chiffres à l'appui, Martin Hirsch tente de convaincre du bien-fondé d'une réforme impopulaire auprès des personnels et de leurs syndicats, qui organisent la riposte en 2015. 30 % des salariés de l'AP-HP se mettent en grève, « ce qui est énorme », admet Martin Hirsch. Mais il tient bon. Il en allait de la « survie » de l'AP-HP, écrit-il aujourd'hui.
Équation complexe
Martin Hirsch s'attarde aussi sur son cheval de bataille : les conflits d'intérêts. « Qu'un médecin d'un hôpital public doive dépendre dans ses déplacements des industriels dont il prescrit les produits n'est pas normal », écrit-il. L'employeur doit-il être le financeur ? Avec 5 000 médecins, Martin Hirsch évalue à 50 millions d'euros annuels une dépense nécessaire mais impensable pour l'AP-HP. Autre option : empêcher les médecins de recevoir des rémunérations des industriels. Envisageable mais au risque d'un « véritable tollé » et d'une « hémorragie de médecins » ! Face à cette nouvelle équation complexe, Martin Hirsch le reconnaît : « Il reste plusieurs pas à accomplir. »
En 2016, aime à rappeler l'auteur, un seul médecin généraliste a posé sa plaque à Paris. Cela étant écrit, il ne reste plus qu'à « imaginer un tout autre système » pour éviter que les urgences de l'AP-HP ne payent les conséquences de la désertification de la médecine libérale. Pour demain, le patron de l'AP-HP rêve de médecins de ville « attachés » à l'hôpital, qui pourraient « être intégrés à l'équipe hospitalière tout en exerçant dans leur cabinet, une maison médicale ou un centre de santé » et auraient accès aux données hospitalières. Pas dupe, Martin Hirsch le sait : il y aura le « dogme particulièrement solide » du salariat à l'hôpital et du libéral en ville à dépasser.
« L'hôpital à cœur ouvert » de Martin Hirsch, éditions Stock, sortie le 2 novembre 2017, 270 pages, 19 euros.
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