Le bilan de Bertrand après 18 mois à la Santé

« Les années les plus difficiles à l’hôpital et en médecine de ville sont derrière nous »

Publié le 02/05/2012
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Crédit photo : S Toubon

LE QUOTIDIEN - La santé n’a que peu percé pendant cette campagne. Comment l’expliquez-vous ?

XAVIER BERTRAND - Je ne suis pas étonné que l’on en parle peu. Ce sujet n’est plus aussi conflictuel. Et François Hollande n’a ni argument ni programme à opposer ! Il y a eu pendant plusieurs mois un discours assez catastrophiste de la part de la gauche qui ne recouvrait pas la réalité. Nous avons été à l’écoute de tous les professionnels de santé, nous avons entendu les interrogations et nous avons obtenu de vraies réussites pour notre système de santé. Il reste des défis à relever en terme d’accès aux soins mais les choses vont bien mieux que certains ne le disent. Lors de réunions avec les professionnels, je vois que le sujet de la santé passionne mais notre pays n’a pas forcément besoin de grandes réformes aujourd’hui. Il a surtout besoin d’assimiler celles qui ont été mises en œuvre. Quand je demande à ceux que je rencontre s’il y a un autre pays que la France dans lequel ils aimeraient être soignés, ils me répondent que non !

En février, vous promettiez un projet pour le système de santé pour les 5 à 10 ans. Avez-vous été rattrapé par les réalités économiques ?

Non. Je pense que le système de santé est sur la bonne trajectoire. Il n’est pas à casser ni à changer. On a juste besoin de poursuivre sa modernisation et de relever certains défis financiers. Avec l’aboutissement du cycle conventionnel, nous venons de poser les bases du système de santé pour au moins 10 ans : rémunération en fonction de l’atteinte d’objectifs de santé publique et de qualité de santé pour les médecins et pour les pharmaciens, augmentation du numerus clausus pour assurer partout l’accès aux soins. Nous avons sauvé le régime de retraite des médecins, nous avons répondu aux professionnels sur la question de la responsabilité civile professionnelle, nous poursuivons la simplification administrative en ville comme à l’hôpital pour redonner du temps médical mais également donner l’idée aux praticiens qui sont tentés de décrocher leur plaque de poursuivre leur activité avec le statut du médecin retraité actif. En quatorze mois, mon objectif était de ramener la confiance chez les médecins, de continuer à investir dans les hôpitaux tout en conduisant les réformes hospitalières et de rebâtir la politique du médicament après l’affaire Mediator. Parallèlement, l’ONDAM a pour la première fois été respecté 2 années consécutives, à un niveau exigeant.

LE SECTEUR OPTIONNEL N’EST PAS À 100 % CE QUE J’AI VOULU

Y a-t-il sur la santé une ligne de clivage entre François Hollande et Nicolas Sarkozy ?

La gauche nous disait qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Or, leurs propositions "santé" sont pour beaucoup à contre-courant de ce qu’ils ont voté. Ce double langage de la gauche me gêne. Elle a toujours été pour le coercitif, plafonner ou interdire et aujourd’hui parce qu’il y a des élections, elle dit que c’est différent. Derrière une vitrine convenable, dans l’arrière-boutique, tous les spécialistes de la santé au parti socialiste ont des intentions beaucoup plus noires. Les médecins ne s’y tromperont pas ! Si j’avais un médecin qui tenait ce double langage, je ne lui ferais pas confiance.

Lors de votre retour à la Santé en novembre 2010, vous aviez pour mission de pacifier les relations entre la droite et corps médical. Mission accomplie ?

Il y a un retour de la confiance. Avec les hospitalo-universitaires, nous devons aller plus loin dans le dialogue mais j’ai l’impression que les années les plus difficiles à l’hôpital et en médecine de ville sont derrière nous.

À l’hôpital, de nombreux dossiers sont en voie de finalisation : compte épargne temps, mais aussi correction de certaines limites de la T2A, dynamisation de la rémunération des médecins hospitaliers. Le décret CME est au conseil d’État, il paraîtra bientôt. Il a fait l’objet d’une large concertation avec les conférences.

Sur les CET, j’ai le sentiment que le problème est réglé, sans faire payer une nouvelle fois la facture des 35 heures à l’hôpital aux professionnels. Le décret va paraître rapidement. Il donnera un cadre pour l’apurement des droits des praticiens, maîtriser la reconstitution des jours de CET et permettra de responsabiliser l’ensemble des acteurs sur l’organisation du temps médical. Ce texte offre plus de liberté aux professionnels en leur permettant de choisir entre trois options : monétisation et paiement des jours de congés, conversion en épargne-retraite ou prise des jours de congés. Ces mesures vont s’appliquer sur 5 ans de 2012 à 2016.

LES CLASSES MOYENNES DEVRONT ÊTRE FAVORISÉES PAR LA RÉFORME DE LA DÉPENDANCE

L’assurance-maladie n’est pas parvenue à s’entendre avec les médecins sur une régulation des installations comme pour les infirmiers, les kinés ou les sages-femmes. Le regrettez-vous ?

Non car la vocation médicale présente une spécificité. Si on lui laisse un peu de temps, l’incitation va faire ses preuves. J’ai mis en place l’avenant 20 (majoration de 20 % des honoraires pour les praticiens exerçant dans un cabinet de groupe dans une zone sous dotée). L’Atlas démographique de l’Ordre des médecins montre qu’en 2010, il y a 9 % de plus d’installations de médecins en milieu rural qu’il n’y a de départs. C’est la preuve que l’incitation fonctionne.

Mais on peut et on doit faire mieux. À l’avenir, pour mener la politique de santé, il faudra que les ministres fassent valoir leur point de vue à la technostructure de la santé et veillent à ce que les ARS mettent en œuvre la politique décidée. En Basse-Normandie, quand on voit que seulement cinq contrats d’engagement de service public ont été signés, il y a un problème ! De même, la permanence des soins ne doit pas donner le sentiment de se faire sur des critères de régulation économique. Les ARS sont une des avancées les plus notables de la loi HPST mais le décloisonnement doit aller jusqu’au bout.

La limitation des dépassements d’honoraires était une priorité du président de la République. Le secteur optionnel a accouché d’une solution a minima…

Le secteur optionnel n’est pas à 100 % ce que j’ai voulu. La faute à qui ? La Mutualité a perdu son stylo et a refusé de signer l’accord qu’elle avait approuvé quelques mois auparavant. Elle a prétendu que c’était à cause de la hausse de la taxe des complémentaires. Mais nous voulons aller au bout de la logique du secteur optionnel. Les anciens chefs de clinique ont l’impression que la porte s’est refermée sur eux. Il faut leur redonner des perspectives.

Les réformes du financement de la protection sociale et de la dépendance ont été repoussées. C’est un échec ?

Je crois au travail du Haut conseil au financement de la protection sociale qui a toute son utilité. Il faudra se poser la question de savoir si d’autres assiettes de financement sont nécessaires ou non et s’interroger sur la hauteur du manque de financement. Sur la dépendance, les vrais problèmes se présenteront en 2020-2030. Des dispositions devront être prises très vite au cours du prochain quinquennat en veillant à ce que le niveau du reste à charge en établissement ou à domicile pour les classes moyennes n’augmente pas, voire qu’il diminue. Le niveau est aujourd’hui supérieur à la retraite moyenne. Les classes moyennes devront donc être favorisées par la réforme de la dépendance.

LE QUOTIDIEN - La santé n’a que peu percé pendant cette campagne. Comment l’expliquez-vous ?

XAVIER BERTRAND - Je ne suis pas étonné que l’on en parle peu. Ce sujet n’est plus aussi conflictuel. Et François Hollande n’a ni argument ni programme à opposer ! Il y a eu pendant plusieurs mois un discours assez catastrophiste de la part de la gauche qui ne recouvrait pas la réalité. Nous avons été à l’écoute de tous les professionnels de santé, nous avons entendu les interrogations et nous avons obtenu de vraies réussites pour notre système de santé. Il reste des défis à relever en terme d’accès aux soins mais les choses vont bien mieux que certains ne le disent. Lors de réunions avec les professionnels, je vois que le sujet de la santé passionne mais notre pays n’a pas forcément besoin de grandes réformes aujourd’hui. Il a surtout besoin d’assimiler celles qui ont été mises en œuvre. Quand je demande à ceux que je rencontre s’il y a un autre pays que la France dans lequel ils aimeraient être soignés, ils me répondent que non !

En février, vous promettiez un projet pour le système de santé pour les 5 à 10 ans. Avez-vous été rattrapé par les réalités économiques ?

Non. Je pense que le système de santé est sur la bonne trajectoire. Il n’est pas à casser ni à changer. On a juste besoin de poursuivre sa modernisation et de relever certains défis financiers. Avec l’aboutissement du cycle conventionnel, nous venons de poser les bases du système de santé pour au moins 10 ans : rémunération en fonction de l’atteinte d’objectifs de santé publique et de qualité de santé pour les médecins et pour les pharmaciens, augmentation du numerus clausus pour assurer partout l’accès aux soins. Nous avons sauvé le régime de retraite des médecins, nous avons répondu aux professionnels sur la question de la responsabilité civile professionnelle, nous poursuivons la simplification administrative en ville comme à l’hôpital pour redonner du temps médical mais également donner l’idée aux praticiens qui sont tentés de décrocher leur plaque de poursuivre leur activité avec le statut du médecin retraité actif. En quatorze mois, mon objectif était de ramener la confiance chez les médecins, de continuer à investir dans les hôpitaux tout en conduisant les réformes hospitalières et de rebâtir la politique du médicament après l’affaire Mediator. Parallèlement, l’ONDAM a pour la première fois été respecté 2 années consécutives, à un niveau exigeant.

LE SECTEUR OPTIONNEL N’EST PAS À 100 % CE QUE J’AI VOULU

Y a-t-il sur la santé une ligne de clivage entre François Hollande et Nicolas Sarkozy ?

La gauche nous disait qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Or, leurs propositions "santé" sont pour beaucoup à contre-courant de ce qu’ils ont voté. Ce double langage de la gauche me gêne. Elle a toujours été pour le coercitif, plafonner ou interdire et aujourd’hui parce qu’il y a des élections, elle dit que c’est différent. Derrière une vitrine convenable, dans l’arrière-boutique, tous les spécialistes de la santé au parti socialiste ont des intentions beaucoup plus noires. Les médecins ne s’y tromperont pas ! Si j’avais un médecin qui tenait ce double langage, je ne lui ferais pas confiance.

Lors de votre retour à la Santé en novembre 2010, vous aviez pour mission de pacifier les relations entre la droite et corps médical. Mission accomplie ?

Il y a un retour de la confiance. Avec les hospitalo-universitaires, nous devons aller plus loin dans le dialogue mais j’ai l’impression que les années les plus difficiles à l’hôpital et en médecine de ville sont derrière nous.

À l’hôpital, de nombreux dossiers sont en voie de finalisation : compte épargne temps, mais aussi correction de certaines limites de la T2A, dynamisation de la rémunération des médecins hospitaliers. Le décret CME est au conseil d’État, il paraîtra bientôt. Il a fait l’objet d’une large concertation avec les conférences.

Sur les CET, j’ai le sentiment que le problème est réglé, sans faire payer une nouvelle fois la facture des 35 heures à l’hôpital aux professionnels. Le décret va paraître rapidement. Il donnera un cadre pour l’apurement des droits des praticiens, maîtriser la reconstitution des jours de CET et permettra de responsabiliser l’ensemble des acteurs sur l’organisation du temps médical. Ce texte offre plus de liberté aux professionnels en leur permettant de choisir entre trois options : monétisation et paiement des jours de congés, conversion en épargne-retraite ou prise des jours de congés. Ces mesures vont s’appliquer sur 5 ans de 2012 à 2016.

LES CLASSES MOYENNES DEVRONT ÊTRE FAVORISÉES PAR LA RÉFORME DE LA DÉPENDANCE

L’assurance-maladie n’est pas parvenue à s’entendre avec les médecins sur une régulation des installations comme pour les infirmiers, les kinés ou les sages-femmes. Le regrettez-vous ?

Non car la vocation médicale présente une spécificité. Si on lui laisse un peu de temps, l’incitation va faire ses preuves. J’ai mis en place l’avenant 20 (majoration de 20 % des honoraires pour les praticiens exerçant dans un cabinet de groupe dans une zone sous dotée). L’Atlas démographique de l’Ordre des médecins montre qu’en 2010, il y a 9 % de plus d’installations de médecins en milieu rural qu’il n’y a de départs. C’est la preuve que l’incitation fonctionne.

Mais on peut et on doit faire mieux. À l’avenir, pour mener la politique de santé, il faudra que les ministres fassent valoir leur point de vue à la technostructure de la santé et veillent à ce que les ARS mettent en œuvre la politique décidée. En Basse-Normandie, quand on voit que seulement cinq contrats d’engagement de service public ont été signés, il y a un problème ! De même, la permanence des soins ne doit pas donner le sentiment de se faire sur des critères de régulation économique. Les ARS sont une des avancées les plus notables de la loi HPST mais le décloisonnement doit aller jusqu’au bout.

La limitation des dépassements d’honoraires était une priorité du président de la République. Le secteur optionnel a accouché d’une solution a minima…

Le secteur optionnel n’est pas à 100 % ce que j’ai voulu. La faute à qui ? La Mutualité a perdu son stylo et a refusé de signer l’accord qu’elle avait approuvé quelques mois auparavant. Elle a prétendu que c’était à cause de la hausse de la taxe des complémentaires. Mais nous voulons aller au bout de la logique du secteur optionnel. Les anciens chefs de clinique ont l’impression que la porte s’est refermée sur eux. Il faut leur redonner des perspectives.

Les réformes du financement de la protection sociale et de la dépendance ont été repoussées. C’est un échec ?

Je crois au travail du Haut conseil au financement de la protection sociale qui a toute son utilité. Il faudra se poser la question de savoir si d’autres assiettes de financement sont nécessaires ou non et s’interroger sur la hauteur du manque de financement. Sur la dépendance, les vrais problèmes se présenteront en 2020-2030. Des dispositions devront être prises très vite au cours du prochain quinquennat en veillant à ce que le niveau du reste à charge en établissement ou à domicile pour les classes moyennes n’augmente pas, voire qu’il diminue. Le niveau est aujourd’hui supérieur à la retraite moyenne. Les classes moyennes devront donc être favorisées par la réforme de la dépendance.

 PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO  PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 9121