LA GRANDE DÉSILLUSION : le sondage que publie aujourd’hui le Quotidien, réalisé par l’IFOP auprès de 501 médecins libéraux et hospitaliers (1), révèle un effondrement inédit de la cote de confiance de Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot dans le monde médical. La ministre de la Santé n’est plus soutenue que par 24 % des praticiens (tous exercices confondus) et, pire encore, par seulement 18 % des médecins libéraux. Ainsi 82 % de ces derniers ne lui font pas confiance (la cassure la plus nette concerne les généralistes et les médecins ruraux) ; surtout, près de 50 % des médecins libéraux (et plus d’un quart des PH) ne lui font « pas du tout confiance ».
Fossé.
Un fossé très profond s’est creusé en quelques mois entre la ministre en charge de la santé et les professionnels qui ont la mission de soigner. C’est un résultat très préoccupant qui doit inviter Roselyne Bachelot et ses collaborateurs à s’interroger sur ce désamour qui prend la forme d’un rejet. La chute est d’autant plus inquiétante qu’elle a été assez rapide. Au lendemain de l’élection présidentielle de mai 2007, Roselyne Bachelot était plébiscitée par 62 % des médecins libéraux ; en septembre 2008, elle recueillait encore 44 % d’opinions favorables. Aujourd’hui, moins d’un médecin libéral sur cinq lui apporte son soutien.
Comment expliquer ce renversement ? Le fait que la ministre - elle n’est pas la seule - ait longtemps refusé aux médecins libéraux le droit de vacciner contre la grippe A H1N1, ce qu’ils ont ressenti comme une humiliation, a sans doute pesé lourdement dans ce mauvais résultat. Mais Roselyne Bachelot paie aussi sa loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires, accueillie fraîchement dans le monde libéral, mais qui a également provoqué de nombreux remous à l’hôpital, sa gestion politique du dossier conventionnel (marqué par l’échec des négociations) et son refus de s’engager pour l’application immédiate du C à 23 euros.
Ce jugement sévère des médecins, et particulièrement des libéraux, est en tout cas un coup dur pour la ministre de la santé dont la cote dans l’opinion s’est érodée au point que certains lui prédisent une sortie du gouvernement au lendemain des élections régionales. Surtout si les résultats sont mauvais pour la majorité actuelle, comme l’annoncent les enquêtes d’opinion.
Plus de 50 % des médecins pour une liste gauche.
Or, et c’est un autre enseignement majeur de ce sondage, Nicolas Sarkozy ne pourra guère compter sur le corps médical pour redresser la barre en faveur de la majorité. Car s’agissant des intentions de vote des médecins pour les élections régionales, l’étude confirme la déception du monde médical.
Seuls un tiers des praticiens libéraux et hospitaliers (respectivement 32 et 34 %) affichent leur intention de voter pour les listes de l’UMP et de ses alliés. Ce résultat est à comparer avec celui du sondage réalisé à quelques jours de l’élection présidentielle (Quotidien du 12 avril 2007) et qui montrait que… 75 % des médecins libéraux marquaient leur volonté de voter pour Nicolas Sarkozy. Le retournement de l’opinion médicale est donc, là encore, spectaculaire.
Les résultats publiés apportent d’autres enseignements intéressants. On note le bon score réalisé par la liste des Verts et d’Europe Écologie chez les médecins puisque 22 % d’entre eux sont décidés à voter pour cette formation. Le Parti socialiste obtient aussi un résultat correct avec 21 % d’intentions de vote. On assiste à un report des médecins électeurs de Sarkozy (12 % selon l’étude affinée de l’IFOP) vers les Verts qui recueillent également plus d’un quart des intentions de votes de médecins libéraux qui s’étaient portés en 2007 sur Ségolène Royal et François Bayrou. Quant aux praticiens de sensibilité de gauche, qui avaient choisi Nicolas Sarkozy en 2007 contre la candidate socialiste, ils semblent être revenus vers leur famille d’origine.
Au total, le score réalisé par la majorité dans le corps médical, réputé majoritairement à droite, est préoccupant pour le gouvernement. Car si l’on ajoute aux intentions de vote en faveur du PS et d’Europe écologie, celles qui se portent vers les listes du Front de Gauche (5 %), du Nouveau Parti anticapitaliste (2,5 %) et de Lutte ouvrière (0,5 %), on arrive à un total de plus de 50 % des suffrages médicaux pour une liste de gauche. À noter au passage le faible score du Front National (3,5 %), mais c’est une tradition dans le monde médical, et l’effondrement des listes du Modem. Elles ne recueillent plus que 9 % des intentions de vote des médecins alors qu’en 2007, 29 % des praticiens libéraux disaient leur préférence pour François Bayrou.
Le désenchantement du monde médical se traduit de manière encore plus cruelle si l’on analyse le jugement des médecins sur la politique du gouvernement en matière de santé et de protection sociale : 73 % des médecins (79 % des libéraux et 67 % des praticiens hospitaliers) la jugent aujourd’hui d’une manière négative et 27 % d’entre eux portent même un jugement très négatif, soit une hausse de cinq points par rapport au sondage réalisé il y a un an (le Quotidien du 6 mars 2009). « Je comprends » les médecins et « pour moi, il n’y aucune crise de confiance, aucune défiance vis-à-vis d’eux » affirmait récemment Roselyne Bachelot dans nos colonnes (notre édition du 11 janvier). Pour les médecins en tout cas, la rupture semble consommée.
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(1) Étude réalisée par l’Ifop pour Le Quotidien du Médecin auprès d’un échantillon de 501 médecins, représentatif des médecins libéraux et hospitaliers. Ont été interrogés 301 médecins libéraux et 200 médecins hospitaliers (lors du traitement statistique des résultats, les médecins hospitaliers ont été ramenés à leur poids réel). La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, spécialité, et type d’hôpital pour les médecins hospitaliers) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par téléphone sur le lieu de travail des personnes interrogées du 22 au 25 février 2010
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