Les paradoxes du système de santé outre-Rhin

En Allemagne, Sécu florissante mais démographie médicale défaillante

Publié le 21/05/2015
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Réunis à Francfort pour leur congrès annuel*, 250 médecins allemands représentant leurs 365 200 confrères en activité se sont émus des projets du gouvernement destinés à enrayer la baisse alarmante de la démographie médicale. La crise couve.

D’ici à 2020, près d’un quart des 150 000 praticiens libéraux partira à la retraite. Les autorités refusent d’ouvrir les vannes du numerus clausus. Comme en France, la pratique libérale est boudée par les jeunes. Parallèlement, le nombre de médecins salariés est passé de 5 000 à 20 000 en vingt ans.

Rachat de cabinets

Afin de mieux répartir les médecins, le gouvernement envisage de racheter, pour les fermer, les cabinets des médecins installés dans des zones où la démographie médicale est forte, lorsqu’ils partent à la retraite.

Cela permettrait de rééquilibrer l’offre de soins au profit des zones sous-dotées. Ce projet est jugé absurde par l’Ordre : son président, le Dr Montgomery, a souligné que les médecins « s’installent là où vivent les gens, pendant que les campagnes se vident parce que ce sont les écoles et les services publics qui partent ». Il réclame le droit pour les médecins ruraux de résider dans une autre commune que celle où se trouve leur cabinet, ce qui est aujourd’hui impossible.

Autre projet très controversé, des « guichets de service » censés aider les assurés à obtenir un rendez-vous chez le spécialiste dans un délai maximal de 4 semaines ! Certains patients se plaignent de très longs délais d’attente, surtout lorsqu’ils n’ont qu’une assurance-maladie de base et ne paient pas le supplément versé par les assurés dits « privés ». Si le fameux guichet ne trouve aucun spécialiste libéral disponible, l’assuré pourra se faire soigner prioritairement à l’hôpital. Présentée comme une avancée sociale, cette mesure est considérée comme une « opération de communication » par les organisations médicales, les hôpitaux étant déjà surchargés... Les médecins libéraux allemands fulminent par ailleurs contre les nombreux rendez-vous non honorés par les patients et souhaiteraient que ceux qui posent de tels « lapins » soient sanctionnés.

Deuxième avis

Berlin prépare d’autres réformes qui divisent. Outre la garantie de consulter rapidement un spécialiste, un projet de loi prévoit que tout patient aura la possibilité, avant un traitement, de demander un second avis médical à un autre praticien tenu de lui répondre dans un délai de dix jours. Encore une fois, cette mesure est jugée irréaliste par la profession en raison de la saturation des cabinets médicaux. Un autre projet sur la santé électronique vise à développer la télémédecine et à renforcer l’usage des dossiers médicaux informatisés peu prisés des médecins.

Le congrès est chaque année l’occasion d’une passe d’armes musclée entre l’Ordre et le ministre de la santé. Mais depuis que l’assurance-maladie a renoué avec ses excédents, le ton est plus cordial. Le gouvernement vient de donner son aval à une réforme de la tarification des honoraires privés (plus élevés lorsque le patient relève d’une assurance privée), qui devraient être revalorisés après vingt ans de gel.

(1) Le congrès, « Parlement des médecins », associe les représentants des Ordres ainsi que des principaux syndicats et organisations professionnelles.
De notre correspondant

Source : Le Quotidien du Médecin: 9413