Le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) réunit son congrès à Orléans les 3 et 4 juin. Nouveau contrat de début d'exercice, statut du remplaçant, salariat, initiatives qui marchent dans les territoires : le Dr Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR et généraliste remplaçante dans un centre de santé du Val-de-Marne, revient sur les principaux enjeux après une année de crise sanitaire qui n'a pas épargné la nouvelle génération.
LE QUOTIDIEN : Cette année, les rencontres nationales de ReAGJIR ont comme fil rouge les soins primaires et les territoires. Qu'ont apporté les territoires aux jeunes installés pendant la crise ?
Dr LAURE DOMINJON : Malgré le contexte sanitaire – et certaines tentations coercitives qui existent autour de l’installation – la crise a montré que, si on laissait plus de libertés aux collectivités et aux professionnels de santé, des solutions hybrides pouvaient naître pour favoriser l’accès au soin. Il y a cette volonté chez certains jeunes de quitter les grandes villes vers des environnements semi-urbains, voire ruraux. Mais ils se heurtent à des difficultés d’installation en libéral : accès au numérique, locaux aux normes, mauvaise connaissance du territoire et isolement… C’est pourquoi aujourd'hui l’exercice coordonné a beaucoup d’avantage ! Se mettre en réseau avec d’autres professionnels de santé permet de dégager du temps médical – en réduisant le temps administratif – et de bénéficier d’un équilibre entre vie personnelle et professionnelle.
Quelles sont les initiatives locales d'installation qui attirent le plus les jeunes médecins ?
Souvent, ce qui marche le mieux, ce sont des dispositifs pilotés à l’échelle régionale ou départementale, chapotés par un comité de pilotage. Dans ce cas, le médecin est accompagné dans son projet : mise en relation avec les autres professionnels du secteur, visite de locaux, aides pour trouver un emploi au conjoint ou une école pour les enfants… C'est d’autant plus efficace lorsque cette installation s’intègre dans un projet global de dynamisation du territoire, avec l’arrivée de jeunes actifs.
Mais pour cela, il faut attirer les étudiants. Certains territoires ont créé des « internats » où les étudiants sont logés, avec d’autres étudiants en santé, pendant leur stage. Ce qui peut permettre de faire naître des discussions entre jeunes, et pourquoi pas des projets communs d’installation. Les retours sont positifs. L’autre aspect d’attractivité des territoires est la proposition de salariat en centre de santé. C’est un mode de structure de plus en plus plébiscité.
Est-ce que le contrat de début d’exercice, entré en vigueur en février pour favoriser l'installation des jeunes en zones sous-médicalisées, peut faire bouger les lignes ? Combien de contrats ont déjà été signés ?
Le texte est récent donc, pour l’instant, le nombre de contrats reste très limité. Il y a encore des efforts de communication à faire autour de ces incitations, car beaucoup de jeunes ne les connaissent pas. Et les collectivités non plus ! On voit des surenchères d’aides locales, des chasseurs de têtes, etc. C’est de l’argent dépensé inutilement, car ce que cherche le jeune médecin c’est un accompagnement personnalisé.
La majorité est à la recherche de travail en équipe, avec des équipes de soins primaires ou en centre de santé. Il faut revoir le paradigme du médecin seul dans son cabinet de 8 heures à 22 heures, avec 60 consultations par jour. Même si c’est un système qu’il faut aussi continuer à soutenir.
Vous représentez également les médecins remplaçants qui, pendant la crise, ont subi de plein fouet la baisse d'activité. Vont-ils oui ou non bénéficier du soutien de l'État ?
Pendant le premier confinement, la perte d’activité pour les médecins remplaçants était de 45 % en mars et 55 à 60 % en avril 2020. Les deux tiers des contrats de remplacement ont été annulés. À l’époque, le fonds de solidarité était accessible aux remplaçants, mais conditionné à une perte de chiffres d’affaires de plus de 50 %. Or, les médecins en tout début d’activité, qui venaient de créer leur entreprise, étaient complètement pénalisés et ne pouvaient pas toucher ces aides.
Nous sommes toujours en discussion avec le ministère pour mettre une place une compensation pour perte d’activité, comme pour les praticiens installés. Nous espérons avoir une réponse la semaine prochaine. L’idée de cette aide serait d’appliquer un taux arbitraire de perte d’activité de 35 % à tous les médecins remplaçants qui la demanderont, pour être ensuite indemnisé sur une partie des charges pendant la durée du premier confinement. Ce ne sera pas forcément des sommes énormes mais, symboliquement c’est une première reconnaissance du rôle des remplaçants. La prochaine étape est l’intégration du médecin remplaçant à la convention médicale de 2021, que l’on espère !
Des inégalités de rémunération entre remplaçants et installés subsistent-elles dans les centres de vaccination Covid ?
Oui, déjà en janvier nous ne savions pas si les remplaçants allaient être payés comme les installés… Ça a finalement été acté et nous avons obtenu le paiement en direct par l'Assurance-maladie avec la possibilité pour les remplaçants de contractualiser directement avec le centre de vaccination. Sauf qu'il y a encore des inégalités de rémunération sur le forfait de saisie vaccin Covid.
En effet, lors de la saisie informatique, le remplaçant « autonome » – en contrat avec le centre – n’a pas la possibilité de s’identifier. La CNAM ne peut pas savoir combien d'actes sont réalisés, et par qui. Ces médecins ne peuvent donc pas toucher ce forfait de saisie ! Nous avons demandé au ministère de la Santé de trancher, mais nous n’avons toujours pas de retour. Par ailleurs, nous avons appris récemment que ces remplaçants autonomes seraient finalement considérés comme des étudiants. Soit une rémunération de 50 euros de l’heure, contre 105 euros. Les remplaçants, tout comme les étudiants et les retraités, sont les variables d'ajustement des coûts.
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