LA MINISTRE de la Santé a appelé les participants d’Avenir médecin, premier congrès national de l’Intersyndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH), à « imaginer la médecine à l’horizon 2030 ». « Tout le corps médical doit relever collectivement le défi de la démographie médicale pour proposer une nouvelle organisation plus efficace et plus juste », a lancé Roselyne Bachelot. Les débats qui ont animé le congrès ont montré combien l’opération s’annonçait difficile.
« Le nombre de médecins va diminuer jusqu’en 2030 avec un creux de densité médicale », indique le Pr Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). Repeupler les campagnes dans ces conditions n’a rien d’évident. D’autant que selon des projections de l’ONDPS, les futurs médecins s’installeront davantage dans les pôles urbains d’ici à 2030. Dans vingt ans, ils devraient être 58 % à exercer dans une ville près d’un CHU et près de 30 % en zone urbaine sans CHU. Seulement 6 % franchiront le pas de l’installation en milieu rural.
« La France n’a jamais compté autant de médecins mais ils sont mal répartis sur le territoire », rappelle le Dr Michel Legmann, président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Moins d’un médecin sur dix s’installe en libéral. « Curieusement, même la région Ile-de-France n’est pas attractive, poursuit le président de l’Ordre. Aucun ophtalmologiste ne s’est installé à Paris depuis 3 ans. La crise démographique n’existe pas seulement en Lozère. »
Sur le terrain, 37 % des médecins s’installent dans leur région de formation. Ce n’est pas le cas en Picardie où 80 % des jeunes médecins formés quittent la région pour s’installer ailleurs. « Le problème, c’est que nous n’avons pas trouvé de solutions pour donner envie aux jeunes de travailler dans les territoires ruraux, souligne le Pr Jacques Domergue, député UMP de l’Hérault. Il faut réinventer l’échelon de la ruralité. »
Pas encore de guichet mais des bourses.
Afin de faciliter l’installation des jeunes médecins, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a chargé les agences régionales de santé (ARS) de mettre en place un guichet unique à l’installation. Mais de la théorie à la pratique, il y a un pas qui semble difficile à franchir. « Il n’est pas évident de rassembler les incitations qui sont issues de sources multiples (convention, droit commun, collectivités locales…) », observe Norbert Nabet, directeur adjoint de l’ARS de Provence-Alpes-Côtes d’Azur.
Le ministère de la Santé essaie pour sa part de déployer le contrat d’engagement de service public (CESP). Ce dernier prévoit que les étudiants en médecine pourront bénéficier d’une allocation mensuelle de 1 200 euros bruts à partir de la 2e année d’études. En contrepartie, ils s’engagent à exercer, à titre libéral ou salarié, dans une zone sous médicalisée pour une durée égale à celle durant laquelle ils ont perçu l’allocation. Le président de la République a déjà indiqué qu’il souhaitait que 400 étudiants et internes souscrivent un CESP cette année mais le dispositif a pris du retard (« le Quotidien » du 14 octobre). Il a donc été décidé que les étudiants pourraient être sélectionnés pendant encore plusieurs semaines et bénéficier rétroactivement de la bourse. Les établissements privés ne sont pas en reste. Le groupe Vitalia a imaginé un contrat similaire d’engagement de service privé qui prévoit le versement d’une allocation mensuelle de 1 500 euros pendant un an à un interne en échange de l’engagement de cet interne à exercer pendant deux ans dans une clinique du groupe. Vitalia a signé 7 contrats depuis la mise en place du dispositif en avril. Son PDG, le Dr Christian Ledorze, se déclare surpris du temps pris par les tutelles pour autoriser l’ouverture des stages d’internat en clinique privée. Celle-ci devrait intervenir en mai 2011.
Si l’avenir s’annonce compliqué, il devrait toutefois être riche d’opportunités pour les médecins.
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