EN 2010, l’Élysée avait multiplié les discours et les gestes de réconciliation en direction des médecins libéraux. 2011 commence sous les mêmes auspices favorables pour la profession : après l’entrée en application de la hausse de la consultation au 1er janvier, et le droit au CS pour les spécialistes de médecine générale, c’est au Sénat que se joue une nouvelle étape de la reconquête, à quinze mois de l’élection présidentielle. Ce jeudi, la Haute Assemblée examine en première lecture une proposition de loi déposée par le sénateur UMP des Hauts-de-Seine Jean-Pierre Fourcade, annoncée de longue date, dont l’ambition est assumée : il s’agit d’arrondir les angles de la loi Bachelot, et même d’en supprimer les mesures vexatoires pour les médecins libéraux tout en permettant quelques avancées inspirées par le récent rapport d’Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité. Il n’est pas anodin de constater que les principaux articles concernent l’organisation des soins de ville. Décryptage et analyse d’une opération « déminage ».
• Désamorcer les deux « bombes » de la loi Bachelot
C’est une promesse de l’exécutif qui remonte à plusieurs mois. Deux mesures de la loi HPST avaient ulcéré les médecins de ville : le contrat santé-solidarité sous peine de pénalité (les médecins des zones surdotées refusant d’exercer plusieurs demi-journées par mois dans des secteurs sous-dotés proches s’exposaient à une taxe jusqu’à 3 000 euros par an) ; et l’obligation de déclarer ses congés à l’avance dans le cadre de la continuité des soins de ville. Très tôt, l’Ordre avait sonné l’alarme jugeant ces dispositions non seulement autoritaires et conflictuelles mais inapplicables. Dès cet été, Roselyne Bachelot avait annoncé leur mise entre parenthèses. La loi Fourcade va les abroger toutes les deux. Ainsi, l’article 3 de ce texte supprime la sanction liée au contrat santé-solidarité et renvoie à la négociation conventionnelle la définition d’un nouveau « contrat type ». Et l’article 4 fait disparaître l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences programmées. L’idée serait d’instituer un système plus souple demandant aux médecins d’informer le conseil de l’ordre de leurs périodes de disponibilité durant l’été (et des difficultés éventuelles pour leur remplacement).
•Rétablir les contrats de bonnes pratiques
A la grande surprise des centaines de médecins concernés, une ordonnance de février 2010 (dite de
« coordination » de la loi HPST) avait abrogé les contrats de bonnes pratiques professionnelles et contrats de santé publique sans préavis ni solution de remplacement. Ces contrats visaient, grâce à des incitations financières, à favoriser l’exercice médical des généralistes dans les zones franches urbaines, les zones rurales sensibles mais aussi l’exercice en médecine thermale ou encore en médecine de montagne. Ils prévoyaient aussi la rémunération de la permanence des soins dans les cliniques. Le règlement arbitral en vigueur (en l’absence de convention) n’avait apporté aucune solution alternative pour le renouvellement des contrats arrivés à échéance, plongeant ce dossier dans le vide juridique. La proposition de loi Fourcade devrait rétablir ces contrats dont la base légale n’existait plus.
Selon nos informations, un amendement du gouvernement devrait renvoyer à un arrêté la fixation des modalités d’indemnisation des professionnels de santé libéraux qui participent à la permanence des soins au sein des établissements de santé publics et privés (permettant une harmonisation sur l’ensemble du territoire). Ainsi, les montants des forfaits de garde ou d’astreinte ne relèveront plus du champ conventionnel mais de l’arrêté en question.
• Consolider le statut fiscal et financier pour l’exercice regroupé
Le 1er décembre dernier, à l’occasion d’un déplacement dans le Calvados, à Orbec, Nicolas Sarkozy avait promis un nouveau statut juridique pour les pôles de santé et, au-delà, mieux adapté aux formes d’exercice regroupé pluridisciplinaire et coordonné. C’est l’objet du premier article de la loi Fourcade qui crée des sociétés professionnelles de soins ambulatoires - devant compter parmi ses associés au moins deux médecins et un auxiliaire médical. L’objectif de ce statut juridique rénové est de répondre à plusieurs exigences simultanées : regroupement de professionnels de santé, perception de financements publics, redistribution des sommes entre les membres (partage des honoraires), cadre sécurisé fiscal et social, règles simplifiées d’entrée et de sortie des professionnels au sein de la structure…
Un autre article devrait préciser le statut et le fonctionnement des maisons de santé, stipulant qu’elles peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention et d’éducation pour la santé.
•Dentistes, centres de santé, fondations...: un texte fourre-tout ?
Au-delà des points cités (premier recours), la PPL Fourcade contient des éléments de nature très diverse.
Un article porte sur le droit à l’information des patients. Il s’agit d’assouplir une disposition de la loi HPST qui obligeait les chirurgiens dentistes à fournir à leurs patients le prix d’achat des prothèses, de façon dissociée (chaque élément de l’appareillage). Une exigence contraignante. Mais l’affaire n’est pas jouée pour autant. Pour nombre de sénateurs, les dispositions de la loi Bachelot correspondaient à une réelle avancée dans le domaine de la transparence des tarifs de soins dentaires et du prix des prothèses. La discussion devrait donc avoir lieu. Un autre article donne au directeur général de l’ARS la possibilité de suspendre ou de fermer un centre de santé dont le fonctionnement poserait problème.
Enfin, la proposition de loi Fourcade pourrait traiter des fondations hospitalières, du cadre d’emploi de la réserve sanitaire, de l’hébergement des données médicales personnelles ou encore des structures médico-sociales.
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