Refus de soins ou demandes atypiques de patients, les médecins libéraux sont également confrontés aux questions de laïcité entre les murs de leur cabinet.
Le Dr Agnès Giannotti exerce la médecine générale au cœur du quartier de la Goutte-d'Or dans le 18e arrondissement de Paris. En 30 ans d'exercice, elle n'a rencontré qu'un cas délicat. « Un homme a refusé de me serrer la main. Il refusait de se faire ausculter par une femme. C'est arrivé une seule fois », raconte-t-elle au « Quotidien ». « Dans mon cabinet, 95 % de mes patients pratiquent une religion. Dès qu'ils passent la porte, ils savent que c'est pour leur santé », témoigne-t-elle. Dans la commune des Mureaux, dans les Yvelines, le Dr Marie-Hélène Certain, elle, a dû refuser de rédiger un certificat de virginité à l'une de ses patientes.
Des situations parfois difficiles à gérer
Des situations exceptionnelles parfois difficiles à gérer lors des consultations. « On n'apprend pas à gérer ce type de situations lors des études, explique le Dr Jean Thévenot, gynécologue-obstétricien et président du Conseil départemental de l'Ordre de Haute-Garonne. Il faut accepter que les patients et les soignants aient des convictions religieuses, philosophiques mais cela ne doit pas gêner les soins. Lors d'un incident il faut trouver une solution ».
Pour guider l'ensemble des médecins libéraux et lever les incompréhensions, le Dr Thévenot a conçu fin 2015, avec ses pairs, des patients et des représentants des cultes, 31 fiches pratiques inspirées de situations vécues par les médecins. Parmi elles, l'hyménoplastie, la pratique religieuse dans les lieux de soins, le refus de soins d'un patient ou encore la vaccination et les recommandations sanitaires avant un pèlerinage ou un voyage à l'étranger. Un an après la publication de ces fiches, en libre accès sur le net, le bilan est positif. « Je suis régulièrement sollicité par mes confrères », avoue le Dr Thévenot. « Un médecin généraliste m'a appelé car l'un de ses patients priait dans sa salle d'attente. Un autre a demandé conseil car sa remplaçante était une médecin voilée et il appréhendait la réaction de sa patientèle », raconte-t-il. Et de conclure : « avant le sujet n'était pas politiquement correct. Le fait d'en parler a permis de libérer la parole des professionnels. ».
Plaintes de patients quasi-inexistantes
Très peu de plaintes ont été déposées au CNOM, selon le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie à l'Ordre des médecins. « Certains patients ont des doléances. Ils ne sont pas satisfaits de l'accueil lors de la consultation », explique-t-il. « Il faut dénouer la situation de crise », ajoute le Dr Faroudja.
Selon le dernier rapport de l'Observatoire du collectif interassociatif sur la santé (CISS) sur le droit des malades*, en 2015, 18 % des usagers affirment avoir connu une situation de discrimination dans leur accès aux soins liée à leur origine et 5 % liée à la religion.
*Le collectif a analysé 9 400 appels et courriels reçus au numéro de Santé Info Droits (01 53 62 40 30)
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