« La vague des innovations qui arrive est un monde disruptif. Il y a une complémentarité de plus en plus forte entre les médicaments, les dispositifs médicaux et les outils informatiques », a expliqué Jean-François Brochard, président du LIR (Laboratoires internationaux de recherche, think tank dédié à l'innovation en santé), lors de la présentation d'une étude prospective menée avec le cabinet de conseil EY.
Qu'on en juge : l'enquête recense pas moins de 315 innovations dans les trois à cinq ans dans des domaines variés. « Nous avons identifié 142 molécules, 104 dispositifs médicaux et appareils connectés, 46 outils informatiques, 18 procédés techniques et 5 innovations organisationnelles », détaille Loïc Chabanier, associé EY.
Oncologie, domaine très investi
Le classement de ces innovations par domaine montre que les produits de diagnostic et de traitement concentrent 68 % des innovations (215), loin devant le suivi des patients (46 innovations), l'accès aux soins et la prise en charge (25), la R&D (13) et le contrôle et la valorisation des données patients (6).
Quant au classement par aire thérapeutique, il révèle que l'oncologie est la spécialité de loin la plus investie, devant les maladies cardiovasculaires, l'immunologie et les maladies infectieuses. La psychiatrie n'affiche que quatre innovations alors c'est un poste majeur de dépenses de l'assurance-maladie.
Si l'on classe les innovations par stade impacté du parcours de soins, celles qui visent à éradiquer la maladie sont les plus nombreuses (118) devant celles qui aident le patient à garder son autonomie et son mode de vie (53), à améliorer l’espérance de vie ou éviter la survenance d’une maladie (43).
Sur les 315 innovations évaluées, 35 ont été identifiées comme potentiellement « disruptives » – parmi lesquelles la thérapie cellulaire pour le traitement du diabète de type 1 ; un vaccin pédiatrique contre les pneumovirus ; un système d'aide à la décision pour diagnostiquer les grossesses extra-utérines ; ou encore un test de l'haleine pour repérer une maladie de parkinson…
Plusieurs innovations pourraient avoir un impact « majeur » sur les parcours de santé. L'étude évoque, entre autres, une prothèse articulée commandée par électroencéphalogramme destinée aux handicapés moteurs après amputation ; un outil pour prédire en temps réel les complications en unité de soins intensifs ; un airbag pour éviter les fractures du col du fémur ; un système de vision pour les aveugles ; une stimulation des muscles pelviens pour lutter contre l’incontinence ; un pancréas artificiel ; ou encore des implants en céramique pour la libération d’antibiotiques in situ...
Du guide Michelin à Tripadvisor
Mais reste le défi essentiel : « absorber » ces innovations en termes de financement et d'évaluation. « Après le temps de la contemplation, il y a le temps de l'action. Est-ce que le système de santé pourra suivre ? », s'interroge Jean-François Brochard.
Le premier challenge consistera à réformer le système d’évaluation, jugé obsolète. « Il faut passer du guide Michelin à Tripadvisor, c’est-à-dire d’un système où trois experts décident en silo à une évaluation qui capte la valeur de façon systémique et dynamique », illustre le président du LIR, qui propose de s'appuyer sur les données de santé ». Le Health data hub pourrait y contribuer mais « reste sous dimensionné ».
Membre du collège de la Haute autorité de santé (HAS), Christian Saout juge nécessaire de « construire une matrice d'évaluation des innovations thérapeutiques ». « Plus on tardera, plus on sera en difficulté », alerte-t-il. Pour Frédéric Collet, président du LEEM (Les entreprises du médicament), il faut effectivement construire un « mode d’évaluation acceptable et justifiable pour l’ensemble des acteurs ». Il défend l’idée d’états généraux permettant d'aboutir à cette réforme de l’évaluation.
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