Médecin généraliste et adjoint au maire de Strasbourg en charge de la santé, le Dr Alexandre Feltz a lancé un appel local pour collecter en urgence des masques pour les soignants. Il explique aussi la réorganisation complète des plannings qui s'est opérée en quelques jours.
LE QUOTIDIEN : Votre appel à la solidarité pour collecter des masques au bénéfice des soignants a-t-il été entendu ?
Dr ALEXANDRE FELTZ : Oui. Il a eu un fort effet au niveau local. Comme tous les médecins généralistes, j’ai reçu il y a dix jours, en tout et pour tout, une seule boîte de 50 masques chirurgicaux. Il ne m'en reste que dix et je fonctionne vraiment à l'économie ! Ça part très vite car ici, à Strasbourg, comme dans le reste de l’Alsace, beaucoup de patients sont touchés par le Covid-19. Face à ce manque de moyens de protection pour les médecins, je me suis rendu compte, lors d’une réunion de crise à la préfecture, que des institutions, des administrations comme la ville, le département, la caisse d’allocations familiales ou encore les pompiers avaient, eux, des stocks de masques à leur disposition !
Je leur ai expliqué que la situation était critique car le gouvernement n'a pas anticipé ces éléments, dès le début de la crise en Chine, et les réserves de masques sont insuffisantes aujourd'hui. Or les médecins généralistes – tout comme d'autres soignants en première ligne – ont besoin d'avoir des masques en priorité pour se protéger et ne pas transmettre le virus à leurs patients.
J’ai été immédiatement entendu. Il y a eu une vraie mobilisation au niveau local : la ville de Strasbourg a tout de suite donné 1 000 masques, la CAF un millier également, les pompiers 3 000 et le département plusieurs centaines. L’ARS est en train de les collecter et d’organiser leur distribution aux soignants dont les médecins généralistes. En plus des masques promis (dès ce mardi dans les 25 départements les plus touchés, et mercredi, a assuré Emmanuel Macron), nous devrions pouvoir tenir quinze jours.
Quelle est la situation sanitaire dans votre secteur ?
Avant même le déclenchement de la phase 3, nous voyions déjà plusieurs personnes par jour atteintes par le coronavirus, ici à Strasbourg. Nous consultons davantage mais il n'y a pas un afflux de patients au cabinet. Pour bien les prendre en charge et éviter la transmission interhumaine, nous avons surtout réorganisé totalement les consultations avec des rendez-vous pour faire en sorte que la salle d’attente soit vide.
Nous privilégions les téléconsultations, les conseils téléphoniques et les plages horaires dédiées au coronavirus qui permettent de faire des consultations sécurisées. Je tiens enfin à rappeler à tous mes confrères que, depuis dimanche, le gouvernement a autorisé les pharmaciens à renouveler des médicaments aux personnes suivant un traitement de longue durée, sans passer par les médecins. Cela nous soulage.
Emmanuel Macron a annoncé le déploiement d’un hôpital militaire en Alsace. Qu’en pensez-vous ?
C’est une très bonne idée. Cet hôpital permettra non pas de soulager les médecins généralistes mais plutôt les services de réanimation des hôpitaux. Les études montrent que 85 % des patients ont des symptômes bénins mais que 5 % auront besoin de la réanimation. In fine, ce qui sera déterminant dans la létalité sera le nombre de places de réanimation qu’on sera capable d'ouvrir en France au moment du pic épidémique.
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