Dans l’Oise, l’annonce surprise de l’ouverture d’un cabinet médical de téléconsultation à Laigneville par le maire de la commune, vendredi, a fait bondir l’URPS médecins libéraux des Hauts-de-France, qui pensait marcher main dans la main avec l’édile pour un autre projet de téléconsultation.
En attendant la mise en application de l’avenant conventionnel n°6 relatif à l’introduction de la télémédecine, les habitants de cette commune de 5 000 âmes peuvent bénéficier de téléconsultations, financées par les fonds de la commune, deux jours par semaine. Le chariot de téléconsultation, d’une valeur de 25 000 euros, est prêté et la mairie rémunère les infirmières et médecins du dispositif via un forfait.
Dans un communiqué, l’URPS accuse le maire d’avoir lancé son cabinet sans informer les représentants des professionnels de santé concernés et remet en cause la légalité du projet, notamment au regard de l’avenant conventionnel qui autorisera dès le 15 septembre la prise en charge de la téléconsultation (25 euros) comme une consultation classique. Lequel indique qu’une téléconsultation doit être effectuée par le médecin traitant du patient s’il en a, ou à défaut par un médecin appartenant à une « organisation territoriale spécifique ». Les téléconsultations du cabinet de Laigneville sont, elles, assurées par des médecins de l’Est de la France. « Le projet du maire de Laigneville est totalement hors clous. Il n’y a pas de projet médical », affirme le Dr Philippe Chazelle, président de l’URPS des Hauts-de-France.
Un projet plus large
« J’ai l’impression qu’il lui fallait quelque chose à présenter rapidement pour les prochaines élections, grince le Dr Chazelle. Le maire se préoccupe de sa petite commune à lui, dans son coin. Avec son système. » Amer, Philippe Chazelle était persuadé qu’en dépit de différends, Christophe Dietrich et l’URPS continueraient de travailler ensemble afin de proposer une solution réglementaire de téléconsultation pour tout le Liancourtois – la communauté de communes à laquelle Laigneville appartient.
Début 2017, peinant à trouver un successeur à deux de ses médecins sur le départ, Christophe Dietrich, le maire de Laigneville se tourne vers la télémédecine pour éviter à sa commune de se transformer en désert médical.
« Quand je l’ai fait savoir à l’ARS, j’ai reçu une fin de non-recevoir », assure l’édile, joint par Le Généraliste. Christophe Dietrich se lance alors seul dans ce projet, en partenariat avec Hopi Medical, une société nancéienne vendant des chariots de téléconsultation. « Ils ont collaboré à titre gracieux, je n’ai aucun lien d’intérêt », précise-t-il. Selon lui, la société équipe déjà 150 Ehpad en France et souhaite profiter du cabinet de Laigneville pour étendre sa notoriété et prouver qu’elle peut répondre aux besoins de villes moyennes.
La mairie organise des réunions publiques et des démonstrations pour présenter le projet et convaincre ses administrés. « Des médecins de l’URPS ont participé à des démonstrations à Nancy. Ils ne peuvent pas dire qu’ils n’ont ni été avisés, ni été associés au projet », ajoute Christophe Dietrich.
Le chariot, nerf de la guerre
« En janvier 2018, l’ARS est revenu vers moi pour développer le projet avec eux. À partir de ce moment, l’agence et l’URPS ont été pleinement intégrées à toutes les décisions. Nous leur avons donné tous les éléments techniques et légaux qu’ils nous ont demandés. Au mois de mars, lors d’une réunion, ils m‘ont dit qu’il financerait l’appareil. Ça commençait à prendre forme », raconte-t-il.
Fin mai, à l’occasion d’une nouvelle réunion, l’ARS fait savoir à Christophe Dietrich que le cabinet sera finalement équipé du chariot de leur choix. Un changement de donne qui indigne le maire : « En dix-huit mois, je suis le seul à avoir bougé. La mairie a investi 150 000 euros. S’ils veulent se comporter en partenaires, il faut qu’ils soient des partenaires et non des despotes », fulmine-t-il.
Si aucun contrat ne lie Laigneville à Hopi Medical, le maire explique avoir « une responsabilité morale » envers la société qui lui a mis à disposition du matériel et du personnel depuis un an et demi. Toutefois, Christophe Dietrich se dit prêt à ce qu’une autre machine soit utilisée, à condition que la décision soit justifiée et que le chariot soit présenté aux habitants.
« Là, tout s’est fait d’autorité. On aurait pu s’appuyer sur mon projet et évoluer petit à petit. Les médecins qui sont pour l’instant de l’Est sont prêts à partir à tout moment dès lors que des médecins locaux prendront la relève et l’appareil », certifie le maire.
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