Permettre aux médecins de famille et aux pédiatres de continuer à travailler plusieurs années après avoir pris leur retraite, c’est le nouveau levier privilégié par les autorités espagnoles pour enrayer la désaffection de ces professionnels pour les postes offerts dans les centres de santé, premier échelon du système de santé public dans ce pays.
En réalité, cette mesure, adoptée en décembre 2022 et qualifiée de transitoire pour trois ans, n’est devenue effective dans les différentes régions d’Espagne (les communautés autonomes qui gèrent la politique de santé) que progressivement au cours de 2023 – chaque gouvernement régional voulant l’adapter pour l’intégrer dans sa politique de santé.
Pourtant, l’urgence est là, et bon nombre de ces centres de santé connaissent de plus en plus de difficultés pour recruter les praticiens nécessaires et réduire les délais de rendez-vous : cette attente pour voir le généraliste ou le pédiatre dépasse aujourd’hui 48 heures dans de très nombreux cas, comme le rappelle la Fédération espagnole des Associations pour la Défense de la Santé Publique (FADSP).
Retraite active mais ponction fiscale
La surcharge du nombre de patients par praticien, les difficultés de gérer la plage horaire de l’après-midi et soirée (15 heures-22 heures) et la possibilité pour les jeunes médecins de trouver des postes beaucoup mieux rémunérés dans un autre pays européen contrarient les bonnes volontés et contribuent à la fuite des généralistes. La grève historique des médecins des centres de santé de Madrid et de sa région (de novembre 2022 à mars 2023) n’a pas résolu la difficulté.
Ces médecins de famille et pédiatres ont donc désormais deux nouvelles possibilités au moment de prendre leur retraite : continuer un exercice à temps plein ou travailler à mi-temps, tout en percevant, dans les deux cas, 75 % de leur retraite (la pension moyenne annuelle brute avoisine 40 000 euros). Le temps plein représente évidemment, en théorie au moins, un gain financier plus important ; mais attention aux retenues fiscales… La réforme bénéficie désormais aux praticiens retraités depuis janvier 2022 : ils peuvent reprendre le travail à temps plein ou à mi-temps et, en plus du salaire correspondant, percevoir 75 % de leur pension. Plusieurs dizaines de médecins seraient concernées.
« J’ai toujours pensé que mon travail ne pouvait s’arrêter ainsi, du jour au lendemain, le jour de mes 66 ans et 4 mois », nous confie le Dr Eduardo Escrigas, qui exerce avec quatre collègues, dont un pédiatre, dans un centre situé à 17 km de Ferrol (65 000 habitants) en Galice. « Et avec cette nouvelle possibilité, je comptabilise ma retraite avec 50 % de mon temps plein antérieur, c’est-à-dire que je travaille un jour sur deux. »
Opportunité
À Madrid, le Dr Martinez, qui prendra sa retraite en mars 2024, a déjà choisi d’adopter cette formule de retraite active. « Ce n’est pas pour des raisons financières », souligne-t-il. Il nous explique que son épouse prendra sa retraite dans deux ans ; alors, en attendant cette date, et puisque l’administration lui offre la possibilité de continuer à mi-temps à recevoir ses patients habituels tout en percevant 75 % de sa pension, « pourquoi ne pas en profiter ? » Il restera dans son centre du quartier de Carabanchel où, sur les 30 médecins habituels, sept postes de l’après-midi sont inoccupés…
Cette mesure ne suffira pas, néanmoins, à résoudre la pénurie de médecins de famille et de pédiatres dans les dispensaires espagnols. La région de Madrid a admis en janvier que les patients qui n’obtenaient pas un rendez-vous dans leur centre de santé de référence puissent être ré-adressés vers les centres d’un autre quartier. La nouvelle ministre de la Santé, Monica Garcia nommée en novembre 2023, a du pain sur la planche.
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