Le passage en établissement de santé est souvent une double peine pour le patient. Après un verdict parfois sombre, le système hospitalier le réduit à un simple numéro. Il sera au mieux ignoré des médecins, au pire confronté à une sentence de mort sans appel. Le Dr Philippe Baudon, ancien généraliste, en a fait les frais lorsque sa femme a contracté un cancer. « Madame, si dans six mois vous êtes toujours en vie, vous ferez partie des 5 % de survivants », lui avait lancé l’oncologue quelques jours avant sa disparition.
Avec un ton plus sérieux que Védécé et moins politique que Sabrina Ali Benali, le Dr Baudon relate dans ce livre à charge sur l'hôpital l'histoire tragique de son épouse. « Malgré toute ma pudeur et ma fierté, je ne peux pas taire ce qu’elle a vécu, au nom de la détresse des patients, confrontés à leur tour à la terrible perte d’humanité de certains médecins qui s’affranchissent en toute impunité des fondamentaux du plus beau métier du monde. »
Il ne faudrait même pas prononcer le mot « cancer » auprès d’un patient touché, estime le Dr Baudon. « Je parlais aux miens de tumeur, de zone tumorale, etc. », surtout aux 25-50 ans chez qui le mot-clef fatidique « suffit à faire s’écrouler une vie ». L’omnipraticien à la retraite en est convaincu, un traitement gagne en efficacité lorsque le malade croit en ses chances de guérison. Au lieu de se soumettre à la toute-puissance des statistiques, qui « empêche de voir l’exception », le médecin doit saisir toute lueur d’espoir.
Ne pas se cacher derrière les machines
La technicisation de la médecine aurait-elle transformé les médecins en machines ? C'est ce qu'affirme le Dr Baudon, qui ne limite pas les conséquences de cette « froideur » médicale à la maltraitance dont il fut témoin. Son livre épingle l’examen diagnostique d’aujourd’hui, réduit comme peau de chagrin. « Nous croyons que passer du temps à ausculter son patient et à échanger avec lui est démodé, dénonce-t-il. Les médecins sont devenus des officiers de santé. » Les machines ont remplacé leur propre observation médicale, qui doit pourtant se montrer « vigilante et intransigeante ». Pour le Dr Baudon, le matériel de pointe devrait aider à « valider un diagnostic », pas à l’établir. Par exemple, une dépigmentation sur un membre « peut manifester un début de lèpre. Or, seul un entretien singulier, où le patient est interrogé sur un éventuel voyage en Afrique, permettra la correcte orientation diagnostique ».
À force de trop se cacher derrière la machine, en ne faisant que suivre les protocoles, les praticiens prescrivent une multitude d’examens coûteux, anxiogènes et parfois inutiles, affirme le généraliste. Il faudrait ainsi reprendre du temps avec le patient… pour ne plus en perdre.
"Médecin lève-toi ! Les patients d'aujourd'hui doivent-ils accepter l'inacceptable ?" Aux éditions Nymphéas, 200 p., 14,90 euros.
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