La téléconsultation peut-elle être une pratique pertinente pour les personnes en garde à vue ? Examiné à l'Assemblée nationale, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (2023-2027) introduisant cette possibilité de téléconsultation inquiète fortement l'Ordre des médecins (Cnom), qui s'y oppose « fermement ».
De fait, ce texte prévoit la possibilité de recourir à une téléconsultation pour un examen médical d'une personne majeure, lors d'une prolongation de garde à vue, sur autorisation du procureur de la République. Et ce, « si la nature de l'examen le permet, dans des conditions garantissant la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges et selon les modalités précisées par décret en Conseil d'État ». Il précise aussi que le médecin peut demander un examen physique, s'il le juge nécessaire. Des garanties très insuffisantes pour l'Ordre. De telles dispositions viendraient « entraver la garantie de la protection des droits des personnes gardées à vue, le maintien de leur garde à vue au regard de leur état de santé ainsi que leur consentement éclairé à la substitution de l’examen en présentiel à la téléconsultation ».
Sauf cas exceptionnels
Interrogé par « Le Quotidien », le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Cnom, dit « comprendre » les difficultés d'accès à un médecin en raison de la pénurie médicale. Mais, cadre-t-il, « la téléconsultation des personnes en garde à vue ne nous semble pas appropriée, sauf dans des cas exceptionnels ».
De fait, l’examen du gardé à vue réclame une évaluation complète de la santé physique avec très souvent des difficultés particulières. « Il faut s'assurer de la confidentialité de l'examen clinique, de l'absence de signes de troubles addictifs ou de prostration psychologique, détaille l'élu ordinal. Que ce soit un examen initial ou de prolongation, il peut aussi se passer beaucoup de choses en 24 heures. L'examen physique en présentiel est très souhaitable et la téléconsultation doit rester une pratique marginale ».
Pour l'Ordre, la mise en place d'une téléconsultation pour un individu gardé à vue doit être non seulement autorisée par le procureur de la République mais aussi consentie au préalable par la personne concernée, dûment informée. C'est pourquoi l'instance ordinale entend veiller à « l'équité de traitement » d'une personne gardée à vue, quant aux modalités de l'examen clinique.
L'inquiétude ordinale est partagée par la Défenseure des droits. Dans un avis publié début juin, Claire Hédon estime que « le premier examen médical a minima et ce, même s'il intervient lors de la prolongation de la garde à vue, doit permettre à la personne d'être mise en présence d'un médecin ».
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