Editorial

Bunkers ?

Publié le 03/03/2017
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Le problème n’est ni nouveau, ni franchement spécifique aux médecins libéraux. Mais il en dit long sur le malaise du secteur. On ne compte plus les affaires de droit commun qui ont perturbé la sérénité de praticiens ces derniers temps. À commencer par le meurtre épouvantable de Nogent-le-Rotrou qui a mis en émoi toute une profession. On doit, bien sûr, s’en scandaliser ; et s’indigner - avec nombre de nos lecteurs - de l’insuffisant écho donné dans le grand public à de tels drames. Néanmoins, reconnaissons-le, s’agissant des blouses blanches, le sujet reste bigrement complexe : impossible de rester de marbre face aux incivilités qui se multiplient ; mais difficile aussi de trouver la solution qui sécuriserait une fois pour toutes l’exercice.

La question intéresse le corps médical et, au-delà, les décideurs. Car même si elles peuvent paraître comme la faute à pas de chance, les agressions à répétition sont aussi un révélateur de l’exercice actuel. Avec une frange croissante de la population en manque de repères, que la désinstitutionnalisation de la psychiatrie ramène en ville. Et, en face, des praticiens souvent débordés et parfois à bout de souffle. S’y ajoute une désacralisation diffuse de la fonction, qui influe sur le rapport médecin-malades, même si dans leur majorité, nos concitoyens conservent, paraît-il, une haute idée de leur « Docteur ». Nervosité, fatigue, incompréhension… Dans ce contexte tendu, il ne faut pas s’étonner, que la moindre contrariété fasse office de détonateur…

Qu’ils soient syndicalistes ou ordinaux, les représentants de la profession pressent donc les pouvoirs publics d’agir vite et fort pour protéger davantage les médecins. C’est leur rôle. Comment ne pas leur donner raison de s’impatienter ? Le dossier que nous ouvrons cette semaine montre d’ailleurs que, pourvu qu’on y mette les moyens, des remèdes existent, certaines expériences concluantes ne demandant qu’à être dupliquées. Au-delà, on touche pourtant du doigt les limites du tout-sécuritaire et de la bunkérisation des cabinets. Car à tant verrouiller les portes, colmater les fenêtres et filmer les entrées, on finirait par mettre en péril accès aux soins, confiance voire confidentialité… Comment investir dans la sécurité sans nuire au colloque singulier ? La question reste donc en partie non résolue. Probablement, invite-t-elle à réfléchir, une fois encore, à l’évolution des formes d’exercice. C’est une piste. Sûrement pas la seule à explorer… 

Jean Paillard

Source : lequotidiendumedecin.fr