Des changements profonds du système de santé français sont en cours. Après avoir été obnubilée durant des années par la maîtrise (réussie) des déficits « abyssaux » de l’assurance-maladie – au moyen de coupes budgétaires douloureuses ! – la politique gouvernementale s’attache désormais à transformer structurellement le système de santé. Plusieurs chantiers sont en cours dont la territorialisation avec les CPTS et les « hôpitaux de proximité », la formation et le statut des professionnels de santé, le développement de la santé numérique « et les modes de financement des établissements de soins et des médecins libéraux ».
C’est la philosophie même de la rémunération des acteurs de la santé tous secteurs confondus, hôpital, ville et biens de santé, qui est appelée à changer, le fameux rapport Aubert proposant de passer de modèles de rémunération principalement fondés sur l’activité (paiement à l’acte en médecine libéral et financement aux séjours dans les hôpitaux) à des « paiements combinés » associant diverses formules, généralement forfaitaires, pour rémunérer la qualité et la pertinence des soins, le suivi des pathologies chroniques ou la prise en charge d’un « épisode » de soins, notamment à l’hôpital, etc.
À chaque objectif, serait ainsi associé un « véhicule de paiement » approprié. Le rapport ne traite pas de la rémunération en niveau – cela reste l’apanage de la négociation conventionnelle – mais plutôt en structure, ce qui est relativement nouveau à cette échelle.
Des rémunérations spécifiques en sus du paiement à l'acte
À l’hôpital comme en ville, le paiement à l’activité n’a pas vocation à disparaître mais plutôt à s’appliquer à des soins ponctuels dans le cas de pathologies aiguës par exemple. L’idée est d’introduire des rémunérations spécifiques, en sus du paiement à l’acte, pour inciter, d’une part, à une démarche qualité plus systématique – ce qui en médecine libérale pourrait se faire à travers une extension de la ROSP – et, d’autre part, à un suivi plus serré et plus coordonné des pathologies chroniques qui constituent aujourd’hui l’essentiel du recours aux soins primaires.
Si louables que soient ces objectifs, leur mise en œuvre va s’avérer délicate. Si en effet l’extension de la ROSP ne pose pas d’autres problèmes que la définition d’indicateurs de qualité pertinents et significatifs – ce qui ne peut se concevoir que dans une démarche partenariale – la forfaitisation de la prise en charge des pathologies chroniques pose de redoutables problèmes, même si, dans un premier temps du moins, le rapport n’envisage que des forfaits mono-professionnels limités à quelques conditions chroniques, diabète et soins gériatriques notamment. De « vrais » forfaits pluri-professionnels (des « bundle payment » comme on dit parfois) impliquant la répartition d’une ressource budgétaire fixe entre tous les intervenants du suivi thérapeutique (libéraux, hospitaliers, paramédicaux, biens de santé, etc.) nécessiteraient des négociations interprofessionnelles dont on devine aisément la difficulté.
La question de l’hétérogénéité des conditions d’exercice se posera
Mais même ainsi réduit à sa dimension mono-professionnels (médecins généralistes), la question se pose de la détermination des forfaits et des protocoles de prise en charge qui doivent nécessairement leur être associés pour en déterminer les frontières d’application. La forfaitisation ne met pas à l’abri d’une certaine sélection des risques ou de l’alignement des prises en charge sur une norme commune indépendante de la variation des cas individuels.
Nos amis anglais l’ont bien compris, eux qui sont les champions toutes catégories de la forfaitisation puisque les « GPs » sont rémunérés à la capitation qui est une sorte de forfait généralisé à tous les patients et à toutes les conditions. Le montant forfaitaire qui leur est versé annuellement en échange de la prise en charge intégrale des soins primaires des patients inscrits dans leur « practice » varie selon différents paramètres inclus dans une formule dite de « Carr-Hill » 1. Le forfait est ajusté en fonction : 1°) des caractéristiques des patients suivis (âge, sexe, gravité, ancienneté d’inscription dans la « practice », un patient nouvellement inscrit nécessitant 40 % de travail en plus qu’un patient « ancien ») et 2°) des caractéristiques de la zone géographique (ruralité, coût de la vie, etc.).
Cette formule génère pour chaque « practice » un coefficient de modulation des forfaits de manière à en atténuer un caractère uniforme contradictoire avec la variété des caractéristiques des cabinets. Les forfaits ne sont pas forfaitaires ! Ira-t-on jusque-là en France ? Je n’en sais rien mais nul doute que cette question de l’hétérogénéité des conditions d’exercice se posera.
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