Une augmentation tarifaire pour le secteur public (+4,3 %) qui reste 14 fois supérieure à celle du privé (+0,3 %) en MCO (court-séjour) et trois fois supérieure en SMR (soins médicaux et de réadaptation). La campagne tarifaire 2024 « délétère » reste en travers de la gorge du secteur privé lucratif (et des médecins libéraux qui y exercent).
Ce mercredi, la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et cinq des six syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, Avenir Spé-Le Bloc, UFML-S, SML, FMF), ont réaffirmé devant la presse leur engagement « total » dans une grève « massive » des établissements privés « à partir du 3 juin ».
La FHP confirme un arrêt total des activités des cliniques et des hôpitaux privés – MCO, SMR, Psy et HAD – (à l’exception de la dialyse et des soins vitaux), pendant trois jours reconductibles, du 3 au 5 juin. Les urgences et la permanence des soins sont également concernées et font l’objet de la même action, toujours à partir du 3 juin, mais cette fois pour une semaine, jusqu’au 9 juin, également reconductible.
Pour l’heure, selon le lobby des cliniques, 80 % des établissements adhérents à la FHP ont déjà envoyé leur lettre d’annonces de déprogrammation d’opérations à leur agence régionale de santé (ARS). « Nous atteindrons 100 % d’ici à une dizaine de jours », affirme le patron de la FHP, Lamine Gharbi. Quelque 1 030 cliniques et hôpitaux privés où exercent 40 000 médecins libéraux sont potentiellement concernés.
Flécher une partie des crédits de l’Ondam
« Cela fait des mois que nous dénonçons l’iniquité de traitement entre l’hôpital public et le secteur privé, tonne Lamine Gharbi. Cette fois, nous verrons si les pouvoirs publics continuent à faire la sourde oreille lorsque les hôpitaux publics devront assurer toutes les activités que nous ne ferons pas ».
Concrètement, les cliniques continuent de réclamer, au nom de l’équité, une « enveloppe complémentaire » de 500 millions d'euros pour le privé (sur une enveloppe totale de 18 milliards). Pour ce faire, il ne serait pas nécessaire d’augmenter l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) voté par le Parlement en décembre 2023, ni de puiser dans les finances publiques, insiste la FHP. Il suffirait de « flécher » vers le privé une partie des crédits existants de l’Ondam 2024. Le secteur réclame aussi un nouvel accord de pluriannualité sur cinq ans (2025/2030), gage de visibilité.
Au diapason des syndicats de médecins libéraux qui reprennent le chemin des négociations conventionnelles ce jeudi, les cliniques appellent à l’octroi d’une autre enveloppe de « 500 millions d’euros » pour les actes techniques (sur 14 milliards d’euros), allouée dans le cadre de la refonte de la classification commune des actes médicaux (CCAM) en cours. Objectif, relancer l’attractivité de la médecine spécialisée libérale « dans un contexte médical contraint ».
Alliance inédite entre employeurs et médecins
Selon la FHP, 40 % des cliniques privées sont aujourd'hui en perte, avec un déficit global de 800 millions d'euros. Ces financements sont jugés indispensables pour compenser l'inflation et revaloriser les salaires à la même hauteur que dans le public, ont martelé d’une même voix l’ensemble des syndicats présents. « On touche à notre outil de travail, déplore le Dr Franck Devulder, patron de la CSMF. Certaines cliniques n’auront d’autres choix que de fermer, d’autres devront sélectionner des activités lucratives et elles seront stigmatisées pour cela. »
L’UFML-S et le SML ont explicitement appelé leurs troupes à soutenir le mouvement en fermant aussi les cabinets libéraux le 3 juin. « Nos destins sont liés, résume aussi le Dr Patrick Gasser, coprésident d’Avenir Spé. À quoi bon obtenir des revalorisations conventionnelles si nous n’avons plus d’établissements privés où appliquer de nouveaux tarifs ».
De l’avis des parties prenantes, l’exécutif n’a plus qu’une dizaine de jours pour changer son fusil d’épaule. Faute de quoi, « le gouvernement va devoir faire face à un mouvement très dur qui s’appuie sur une alliance inédite entre établissements et médecins. Cela, il doit le comprendre », prévient le Dr Jérôme Marty, chef de file de l’UFML-S.
Inquiétude des hôpitaux et des urgences
L’hôpital public, de son côté, a déjà mesuré les possibles conséquences de ce mouvement qui conduirait à un report non organisé des patients du privé vers le public. Un risque majeur tant en termes de désorganisation que de sécurité et de qualité des soins syndicat, alerte SAMU-Urgences de France qui appelle les pouvoirs publics à prévoir des renforts en personnel aux urgences pour assurer l’inévitable surcharge d’activité.
La FHP enfonce le clou et développe un autre angle d’attaque pour accélérer la réponse du gouvernement. Elle entend déposer, d’ici à mi-juin, une dizaine de recours auprès du Conseil d’État sur les textes de la campagne tarifaire 2024. Équité, quand tu nous tiens…
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