Chose promise chose due. Plus d’un mois après sa première salve de propositions, l'Assurance-maladie a mis sur la table de nouvelles avancées tarifaires lors de la séance multilatérale du jeudi 14 mars. Selon Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, cette nouvelle copie a pris en compte « les demandes d’amélioration de la part des syndicats », tout en poursuivant « la même logique de recherche d’équilibre global » sur les différents objectifs de la négociation : attractivité, accès aux soins, qualité et pertinence des soins. Tour d’horizon.
Création d’une consultation longue (CL) du médecin traitant à 60 euros
C’est un geste supplémentaire de la Cnam en direction des médecins traitants en plus de la revalorisation du G à 30 euros. A la demande de plusieurs syndicats dont MG France et les Généralistes-CSMF, la caisse propose une consultation longue (CL) du médecin traitant de 60 euros pour la prise en charge de deux populations cibles : les personnes âgées (CLA) et les personnes en situation de handicap (CLH).
La CLA sera facturable « une fois dans l'année » pour « les patients de plus de 80 ans » dans un périmètre précis : consultation de sortie d'hospitalisation dans les 30 jours après la sortie, consultation de dé-prescription de patients hyperpolymédiqués (ayant 10 lignes de traitement), remplissage du dossier pour l'obtention de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et consultation en présence de l’infirmière en pratique avancée (IPA). « C’est un signal politique qu’on envoie aux médecins traitants, a commenté Thomas Fatôme. On considère que c’est pertinent de reconnaître une consultation longue pour les personnes âgées et les personnes handicapées. »
Coup de pouce supplémentaire sur le forfait médecin traitant
Réaffirmant la transformation des rémunérations forfaitaires (Rosp, forfait structure, forfait patientèle médecin traitant) en un seul forfait unique pour le médecin traitant, la Cnam a voulu donner « un peu plus de consistance » à ce nouveau dispositif. Elle améliore les montants prévus pour ces forfait, prenant uniquement en compte « les patients vus dans les deux ans par le médecin traitant ou son médecin collaborateur ». « Si le patient n’est pas vu dans les deux ans, alors le montant va à son niveau minimal de cinq euros », a précisé Thomas Fatôme. La Cnam intègre aussi « une valorisation de la précarité à hauteur de 10 euros par patient », contre 5 euros proposés précédemment.
Plusieurs spécialités cliniques mieux valorisées
Si l'avis ponctuel de consultant (APC) à la demande du médecin traitant reste à 60 euros, la Cnam propose d’en ajuster le périmètre, avec aussi la possibilité de facturer un APC dans le mois suivant une télé-expertise.
Plusieurs spécialités font l’objet de mesures améliorées. C’est le cas pour les psychiatres dont la consultation de référence serait revalorisée à 57 euros. L'avis ponctuel de consultant (APY) passerait à 67,50 euros. Des revalorisations sont prévues aussi sur la pédopsychiatrie avec des majorations enfant à 15 euros et pour les ados et jeunes (15 euros).
Pour les pédiatres, la Cnam crée une consultation de « recours à l'expertise pédiatrique » valorisée à 60 euros, sur l'ensemble des tranches d'âge, y compris pour les grands enfants (7-12 ans) et les adolescents (12-16 ans). Cette consultation sera facturable sur adressage d'un médecin, de la médecine scolaire, de la PMI, d'une sage-femme, d'un orthophoniste ou d'un orthoptiste.
Les gériatres, les gynécologues médicaux et les MPR voient leur consultation majorée à 40 euros. Le tarif de la consultation spécifique en endocrinologie (MCE) passerait de 53,50 euros à 60 euros. Même tarif de 60 euros proposé pour la consultation du dépistage du mélanome (CDE) pour les dermatologues (contre 47,50 euros aujourd'hui).
Cumul d’actes, du neuf
La Cnam autorise de nouvelles dérogations sur le cumul « consultations et actes de la nomenclature » à taux plein (contre une majoration de 15 euros proposée jusqu’à présent). Cette ouverture concernera plusieurs spécialités dont la médecine générale. De fait un médecin généraliste pourrait par exemple cumuler sa consultation avec une spirométrie standard réalisée dans le cadre du dépistage de la BPCO.
CCAM technique, ça avance, en attendant la refonte
Sans attendre la nouvelle classification commune des actes techniques (CCAM) en cours de refonte par le Haut conseil des nomenclatures (HCN), la Cnam améliore ses propositions en matière de nomenclature. Elle est prête d’abord à revaloriser de « 5 % » le coût de la pratique (coefficient de charge) dès cette convention. Puis, une enveloppe fermée de revalorisation supplémentaire serait provisionnée et sanctuarisée en vue d’un futur avenant CCAM. Et sur la valeur des actes techniques, la convention pourrait revaloriser immédiatement de 10 points les modificateurs K et T (avant toujours la nouvelle hiérarchie à venir).
Big bang des aides à l'installation
Pour inciter les médecins à s'installer dans les zones sous dotées, la Cnam propose de majorer le forfait patientèle médecin traitant (FPMT) de 30 % pendant deux ans post-installation en ZIP (zone d'intervention prioritaire, et de verser une aide ponctuelle de 10 000 euros pour les primo-installés en ZIP, et de 5 000 euros pour ceux qui s'installeraient en ZAC (zone d'action complémentaire).
Pour les médecins libéraux déjà installés en ZIP, la caisse propose de majorer le FPMT de 10 %, une mesure très lisible. Les médecins âgés de plus de 67 ans sont aussi encouragés à continuer d'exercer : ceux-ci verraient leur FPMT majoré de 10 %. Ces majorations remplacent les contrats démographiques conventionnels existants (Coscom, Caim et Cotram), qui ont eu un effet limité. Pour garantir qu’aucun médecin ne soit perdant, un accompagnement transitoire sera proposé.
Enfin, pour inciter les spécialistes à tarifs opposables à effectuer des consultations avancées en ZIP, la Cnam propose un forfait de « 400 euros par jour dans la limite de trois jours par mois ».
Maîtres de stage et participation au SAS bonifiés
C’est une nouveauté : la Cnam souhaite valoriser les « missions spécifiques » des médecins qui s’investissent. Les maîtres de stage verraient leur forfait annuel revalorisé à 800 euros en ZIP (+ 500 euros) et 500 euros hors ZIP (+ 150 euros).
Et pour inciter les médecins à participer au service d'accès aux soins (SAS), Thomas Fatôme propose un forfait pérenne de « 1 000 euros par an » pour cette participation, à condition de remplir deux conditions : s'inscrire sur la plateforme numérique SAS et accepter d'interfacer sa solution de prise de rendez-vous avec cette plateforme afin d'améliorer « la visibilité des disponibilités en cas de besoin de la régulation SAS ».
Un observatoire sur les engagements collectifs pour l'accès aux soins
Déjà mis sur la table lors la multilatérale, les engagements collectifs pour l’accès aux soins ont été détaillés. Les médecins traitants devraient s’engager par exemple à stabiliser la part des patients en ALD sans médecin traitant au seuil frictionnel de 2 % dès 2025. Pour cela, ils devraient prioriser la prise en charge médecin traitant de nouveaux patients en ALD ou encore accueillir les patients après un bilan de prévention.
Autre engagement, les médecins devraient augmenter la patientèle moyenne MT de 2 % par an. Pour cela, ils ne devraient pas diminuer leur temps de travail, recruter davantage d’assistants médicaux ou encore renforcer les collaborations avec d’autres professionnels…
Un observatoire conventionnel sera mis en place pour suivre les indicateurs d'engagements collectifs partagés et prendre les mesures facilitant l'atteinte de ces objectifs. « On met pas mal d’argent sur la table. Il faut qu’en face les médecins se mobilisent pour prendre davantage de patients, recruter plus d’assistants médicaux », insiste Thomas Fatôme.
Valoriser davantage la permanence des soins (PDSA)
Pour traduire la volonté gouvernementale d’inciter davantage les médecins à participer à la permanence des soins pour couvrir 100 % des territoires, la caisse souhaite d’abord valoriser l’effection régulée en augmentant les cotations SNP et MRT à 20 euros (contre 15 euros) entre 19 heures et 21 heures. En cas de visite à domicile, les médecins pourraient facturer une majoration de 10 euros avec un délai court (moins de 24 heures) après appel de la régulation. Et pour les visites aux horaires de la PDS-A, la caisse propose de créer une majoration de + 6,50 euros le samedi après-midi/dimanche et en nuit profonde et non profonde.
La Cnam souhaite d’abord encadrer les conditions de recours aux majorations non régulées. « On a besoin des maisons de garde mais elles ne peuvent pas facturer (aux tarifs supérieurs) alors que ce n’est pas justifié par la nomenclature », a justifié Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam. Par ailleurs, les plateformes de téléconsultation ne pourraient plus facturer les majorations non régulées. « C’est un système plus incitatif et lisible pour les médecins », avance Thomas Fatôme.
Mécanismes d’intéressement sur les économies
Last but not least, la Cnam propose plusieurs dispositifs d’intéressement sur les prescriptions « plus pertinentes et plus sobres », permettant une forme de retour sur investissement. Ils concernent l’augmentation de la part de biosimilaires (avenant 9), les prescriptions d’IPP pour les aligner sur les recommandations de la HAS et les initiations d’orthèses d’avancées mandibulaires.
Le principe serait d’intéresser financièrement les médecins à travers un « partage direct » des économies. Pour l’heure, en prenant l’exemple des biosimilaires, la répartition proposée sur trois ans est de 30 % pour les médecins libéraux et de 70 % pour la Cnam la première année, un ratio qui passe à 20 % pour les libéraux la deuxième année, et à 10 % la troisième.
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