Surprescriptions d'arrêts de travail : des patients soutiennent leur généraliste poursuivi, les syndicats contestent les procédures

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Publié le 08/11/2023
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Crédit photo : PHANIE

Environ 80 personnes – médecins et patients – se sont rassemblées mardi devant la caisse primaire de Pau. Ils avaient fait le déplacement pour soutenir, qui leur confrère, qui leur médecin de famille, le Dr Michel Chevalier, convoqué devant la commission des pénalités financières et épinglé sur ses trop nombreux arrêts de travail.

Qu’est-il reproché à ce généraliste installé depuis une trentaine d’années dans la commune voisine de Ousse (Pyrénées-Atlantiques) ? Une prescription jugée excessive d’arrêts de travail, comme le relatent les quotidiens Sud Ouest et La République des Pyrénées« C’est comme ça que l’institution remercie Michel de s’être occupé de ses patients ? », s’insurge un confrère. « C’est mon médecin de famille depuis 1993. Il a suivi ma femme, décédée d’un cancer il y a deux ans. Il a été là pour nous, alors je suis aujourd’hui, présent pour le soutenir », témoignait un patient. 

Borne mise en demeure

« Une convocation de plus », s'agacent de leur côté les syndicats de médecins libéraux. Ils dénoncent depuis plusieurs mois cette « chasse » aux généralistes gros prescripteurs d’IJ (lancée au début de l'été par la Cnam) et organisent la riposte sur plusieurs fronts.

Fin octobre encore, les avocats de la FMF ont adressé un courrier de mise en demeure à Élisabeth Borne (avec copie à Aurélien Rousseau et à l'Ordre), que Le Quotidien a pu consulter. Il porte sur une « demande d’abrogation des dispositions des articles (…) du code de la Sécurité sociale permettant aux directeurs des Cpam de proposer aux médecins une mise sous objectifs quantitatifs de certaines prescriptions et des articles (…) du code de la Sécurité sociale sanctionnant le non-respect de ces objectifs ». En clair, le syndicat estime que l’article de loi autorisant une mise sous objectifs (MSO) de la part des caisses est en contradiction avec le code de déontologie qui garantit l'indépendance professionnelle. En conséquence, le dispositif même de la MSO serait entaché d’illégalité. Matignon dispose d’un délai de deux mois pour répondre.

Flicage statistique

Sortant de sa réserve habituelle, l’Ordre lui-même s’était ému cet été de ces contrôles et MSO, relevant que l’objectif (de volume d’IJ) « ne résulte pas de l’absence de justification médicale des prescriptions réalisées mais leur est fixé sur la base des données statistiques de leurs prescriptions comparées à une moyenne ».

Sur le terrain, tous les syndicats conseillent aux généralistes concernés de refuser la mise sous objectifs pour privilégier la procédure de mise sous accord préalable (MSAP). Une consigne qui porterait ses fruits. La CSMF par exemple recensait fin octobre 20 refus de MSO et sept abandons de procédures par une caisse primaire en Vendée, 16 dans les Hauts-de-France, ainsi que d’autres abandons dans le Centre-Val-de-Loire sans en préciser le nombre.

Bidouillage des chiffres ?

Mais depuis quelque temps, c’est une autre procédure que dénoncent, unanimes, les syndicats, surpris par le montant « faramineux » d’IJ reprochés à certains généralistes. L’explication est simple, estiment-ils. L’Assurance-maladie est tenue de ne comparer que des activités comparables et, pour ce faire, « redresse », les chiffres pour y parvenir, pointe MG-France. « Bidouillage statistique », selon d'autres centrales.

Droite dans ses bottes, la Cnam a expliqué que, pour cette campagne, censée ne concerner qu'un millier de généralistes surprescripteurs, « seuls les médecins prescrivant au moins deux fois plus d’arrêts de travail par patient actif ont été sélectionnés en tenant compte de la structure de leur patientèle ». C’est-à-dire par comparaison avec leurs confrères de la même région à patientèle et zone d’exercice comparable avec standardisation des patientèles selon l’ALD, le sexe, l’âge et la prise en compte de l’indice de défavorisation du territoire. 


Source : lequotidiendumedecin.fr