« J’étais tellement heureuse de m’installer. Et là, tout est gâché. » Trois ans seulement après son installation à Fontaine-la-Guyon (Eure-et-Loir), la Dr Hélène Dumont déchante. La jeune femme de 31 ans est lasse des attaques dont est victime, selon elle, la médecine libérale. Elle a pris une décision forte, celle de quitter le giron du conventionnement pour exercer en secteur III. Le 1er octobre prochain, elle franchira le pas sans regret. Ses patients en ont été informés, ses nouveaux tarifs sont affichés en salle d’attente. Rien ne la fera revenir en arrière.
« J’essaie de trouver une voie pour sauver mon métier sans avoir à en changer », se justifie la Dr Dumont qui a fait sa demande de déconventionnement au mois de février dernier. « Lorsque j’ai lu le projet de nouvelle convention, j’ai compris qu’il n’y avait pas grand-chose à attendre sauf du mépris », confie-t-elle. La généraliste dénonce les contraintes qui s’accumulent au fil des ans sur la médecine libérale, « la paperasse, les comptes à rendre en permanence aux administratifs, les Rosp qui ont complètement dérivé… ».
Les médecins, des boucs émissaires ?
Les récentes initiatives parlementaires visant à restreindre la liberté l’ont confortée dans son choix. Mais le malaise remonte à plusieurs mois. « Voir les représentants de l’Assurance-maladie tous les 4 à 6 mois pour nous dire ce qu’il faut prescrire, tel médicament et pas tel autre… On a l’impression que les soins, c’est plus trop le cœur de leurs préoccupations, tout est axé sur la finance, les économies, il n’y a plus tellement de place pour la médecine », regrette-t-elle.
Elle dénonce également le climat qui fait des médecins les boucs émissaires de tous les maux du système de santé. La désertification médicale, les trous dans la PDS… « On est responsable de tout. C’est dur à porter… Si c’était à refaire, je ferais kiné ! », dit-elle.
La revalorisation du tarif de consultation à 26,50 euros ? « Ça m’a fait rigoler, ironise-t-elle. C’est honteux de proposer cela aux libéraux. » Pourtant, la généraliste ne fait pas des revendications tarifaires la priorité numéro un, « ce serait passer à côté de l’essentiel, oublier que c’est tout le reste qui ne va pas ».
Des médecins prêts à quitter le métier
La Dr Dumont s’est mobilisée depuis plusieurs mois au sein d’un collectif de médecins d’Eure-et-Loir pour tenter de « faire bouger les choses sur le terrain ». En vain. Résultat, de nombreuses consœurs et confrères de sa génération se disent « dégoûtés », voire « prêts à changer de métier ». « C’est triste. On a tous perdu notre jeunesse à bosser. C’est un énorme gâchis », se plaint la jeune femme.
Son credo ? « On laisse tomber tous les forfaits, on revient à une médecine indépendante où on prescrit ce qui est bien pour les patients, et pas uniquement ce qui est bien pour le portefeuille de la Sécu. C’est assez simple comme revendication. »
Elle espère trouver ces conditions en secteur III, sans le parapluie financier de la Sécu. Ce saut ne l’effraie pas, « c’est le prix de la liberté », assure-t-elle, sereine. Elle s’est renseignée auprès de confrères exerçant déjà hors convention et sorti la calculette. Avec 20 à 25 patients par jour, un tarif de consultation de base à 50 euros, quatre jours par semaine, « je pense que ça va le faire, que je vais m’y retrouver par rapport à ce que j’ai aujourd’hui », dit-elle.
Surtout elle espère exercer autrement, « faire des consultations plus longues, prendre son temps pour faire une meilleure médecine ». Tous les regards seront braqués sur elle dans les prochains mois, ses consœurs et confrères s’interrogeant aussi sur la réussite d’un tel projet.
Et si ça ne fonctionne pas ? « J’ai quelques plans en tête, par exemple partir à l’étranger. Je pourrais aussi changer de métier... mais j’adore la médecine ! », répond la Dr Dumont.
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