De mémoire des plus anciens, l’Université d’été de la CSMF, qui marque traditionnellement la rentrée syndicale et politique du secteur, à la veille des arbitrages sur le budget de la Sécurité sociale, a rarement attiré autant de cadres inscrits. Il faut dire que le rendez-vous tombe cette année à point nommé pour serrer les rangs confédérés et mobiliser les troupes, à l’heure pile où doit s’installer enfin un nouveau gouvernement et au lendemain de la signature de la nouvelle convention médicale, pleinement assumée par la CSMF.
Ces Universités 2024 à Saint-Malo– à la fois vitrine syndicale, séance de brainstorming et lieu d’échanges avec de nombreux intervenants extérieurs – s’annonçaient donc particulièrement riches pour les quelque 250 médecins de la CSMF, venus de toute la France dans un contexte de forte incertitude.
Geneviève Darrieussecq est très bien mais restons prudents, tout peut arriver
Dr Michel Chassang, président d’honneur de la CSMF
Ce vendredi, l’hypothèse (non confirmée) de la nomination de la Dr Geneviève Darrieussecq, médecin allergologue, à la tête du ministère de la Santé, était dans toutes les têtes.
Habitué des périodes de remaniement, le Dr Michel Chassang, président d’honneur de la centrale confédérale, se montrait à la fois enthousiaste et prudent auprès des cadres syndicaux. « Geneviève Darrieussecq est très bien mais restons prudents, tout peut arriver. Et puis on ne sait pas si elle aura un ministère élargi aux Affaires sociales », affirmait le vice-président du Conseil économique social et environnemental (Cese), ex-président de la CSMF (2002-2014). À ses côtés, autre habitué des joutes politiques et syndicales, le Dr Yves Decalf, président du Syndicat national des médecins concernés par la retraite (SNMCR), ne cachait pas son impatience. « Il est grand temps d’avoir un ministre pour arbitrer quand on a un problème », glisse le médecin retraité.
Au-delà du casting, la question des marges de manœuvre budgétaires est dans tous les esprits, à la veille d’arbitrages cruciaux pour le secteur de la santé et la médecine de ville en particulier. Quel sera l’Ondam 2025 pour les soins de ville et pour les établissements de santé ? Y aura-t-il un tour de vis sur les arrêts de travail ? Le Dr Pierre-Marie Coquet, généraliste à Maubeuge, dont c’est la… 29e participation, fixait déjà les lignes rouges à la ministre de la Santé pressentie. « Je ne la connais pas, on verra à l’usage. On verra surtout si elle va donner des milliards à l’hôpital ou donner une nouvelle bouffée d’oxygène à la médecine libérale. »
Cette question des moyens est d’autant plus prégnante que ce week-end est aussi marqué par une mobilisation historique de la biologie médicale libérale, avec la fermeture d’une très grande partie des laboratoires d’analyses jusqu’à lundi inclus afin de protester contre une nouvelle vague de décotes tarifaires.
Soulagés par la convention mais…
Mais l’incertitude politique et économique n’a pas plombé l’ambiance, ni la volonté de se retrousser les manches. À saint-Malo, les attentes des cadres étaient déjà tournées vers la mise en œuvre concrète, « sans retard ni mauvaise surprise », de la convention médicale qui acte « enfin » une batterie de revalorisations tarifaires. Une étape marquante et symbolique sera la revalorisation du G à 30 euros à compter du 22 décembre 2024, soit six mois après la publication au Journal officiel de la convention. Pour les médecins spécialistes, l’avis ponctuel de consultant (APC) à 60 euros interviendra à cette même date. Ces revalorisations ne sont que les premières d’un calendrier prévu pour s’étaler dans le temps.
L’avenir est trop incertain. Les jeunes ont du mal à trouver de la visibilité sur le long terme
Dr Marie Rocheteau, généraliste à Bouaye
Venues de Loire-Atlantique (44), les Drs Marie Rocheteau et Anne-Marie Ladeveze-Cayla, toutes deux généralistes, se disent du moins « soulagées » depuis la signature de la convention. Cette « bouffée d’oxygène » est « la bienvenue pour des confrères qui exercent sous tension en permanence », confie l’une. « J’ai une jeune consœur qui est en burn-out après cinq ans d’installation, c’est intolérable », témoigne la Dr Marie Rocheteau. La généraliste à Bouaye ne s’en cache pas : « Les jeunes ont du mal à trouver de la visibilité à long terme. »
Pour de nombreux cadres, la signature de la convention n’est qu’une étape car ce « compromis » est encore loin de produire le choc d’attractivité espéré. « Ce texte doit évoluer rapidement pour s’adapter à l’exercice médical », cadre la présidente de la CSMF 44. C’est « un point de départ », il faudra « faire vivre la convention » avec des avenants incitatifs, avance un confrère. La révision des contrats d’assistants médicaux, et surtout le chantier de la CCAM technique, font partie des prochaines urgences.
Des NAO annuelles ?
Au-delà, les adhérents de la CSMF soutiennent la revendication de leur président, le Dr Franck Devulder, de bénéficier, comme dans les entreprises, « de NAO [négociations annuelles obligatoires] pour la médecine libérale, autrement dit des négociations tarifaires annuelles ». « Il ne s’agit pas que des tarifs, suggère le Dr Pierre-Marie Coquet. Cette évaluation annuelle permettrait de faire le point sur les taux d’installation en libéral, de déplaquage, de formation… »
En fin d’après-midi, ce vendredi, c’est le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, qui devait passer deux heures « sur le grill » des cadres de la CSMF. Avant une soirée de gala du 30e anniversaire. Studieux et festif…
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