LE QUOTIDIEN : Vous succédez à un infirmier, David Guillet, démissionnaire, à la tête de la Fédération des CPTS jusqu’à la fin du mandat en cours. Continuité ou rupture ?
DR JEAN-FRANCOIS MOREUL : Il n’y aura pas de rupture dans ce mandat de trois ans commencé par David Guillet qui avait lui-même succédé au Dr Claude Leicher, le fondateur de la fédération des CPTS en 2017. Je m’inscris pleinement dans la continuité des travaux entrepris pour consolider notre fédération en interne mais aussi pour apporter notre expertise auprès des syndicats de professionnels de santé libéraux, qui seront chargés de renégocier l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Ces négociations devraient s’ouvrir au deuxième semestre 2025. Nous avons déjà demandé à rencontrer les ministres, Yannick Neuder et Catherine Vautrin, pour échanger sur la lettre de cadrage de ces discussions. Nous avons également commencé à travailler avec nos partenaires syndicaux en les éclairant sur les données, les freins, les leviers et les orientations qui pourraient être débattues dans ces négociations.
“La dynamique est là et nous avons le besoin du soutien de la Cnam
Pour préparer ce travail, la fédération écoute tous les signaux qui remontent des CPTS. Des groupes de travail ont été mis en place sur certaines thématiques fréquemment évoquées comme la santé environnementale, la santé mentale ou le lien ville-hôpital. La recherche en soins primaires est un axe de travail fort pour cette année.
En octobre 2024, le bilan de la Cnam faisait état de 624 CPTS signataires de l’accord conventionnel interpro et 12 000 médecins généralistes adhérents ! La dynamique est bien là et nous avons le besoin du soutien de la Cnam.
Justement, la Cnam vous soutient avec un financement pérenne mais elle demande désormais aux CPTS de démontrer leur efficacité sur les indicateurs. Êtes-vous prêts à cette évaluation ?
Oui. Nous travaillons à cette évaluation car, c’est vrai, nous sommes attendus sur le retour sur investissement par le financeur, par nos partenaires voire par nos détracteurs ! Nous devons démontrer ce qui marche et reconnaître ce qui ne marche pas, vérifier si nos missions produisent des résultats ou non en termes d’amélioration de la santé de la population, d’accès aux soins et aussi sur la santé des soignants.
C’est un travail de long terme mais, dès la fin de cette année, nous devons être capables de produire des résultats mesurables en vue de la négociation conventionnelle de l’ACI CPTS. Les organisations pluriprofessionnelles matures, avec plus de cinq ans de fonctionnement, peuvent déjà collecter de nombreuses données.
Comment travaillez-vous sur cette évaluation ?
Depuis la fin de l’année 2024, la Fédération a envoyé des questionnaires aux adhérents pour analyser les pratiques, les problématiques, les leviers et les innovations. Le premier questionnaire a porté sur le cadre de fonctionnement des CPTS. Nous cherchons à savoir s’il y a une adéquation entre les missions dévolues aux CPTS et le cadre défini, s’il y a par exemple des groupements qui sortent de leur rôle d’organisateur des soins primaires pour devenir effecteur de soins.
Les CPTS n’ont pas de baguette magique pour produire des médecins…
Dans ce cas, nous cherchons à connaître les raisons et à identifier les évolutions éventuelles. Ce travail est réalisé avec la direction générale de l’offre de soins. Ensuite, les questionnaires aborderont chaque mission, par exemple l’accès au médecin traitant. La Fédération analysera les résultats. Sur l’évaluation, nous travaillerons avec les observatoires régionaux de santé et les instituts de recherche comme les départements de recherche en médecine générale.
Sur l’accès au médecin traitant, mission prioritaire, la Cnam déplore un investissement très inégal des CPTS…
Oui, les CPTS éprouvent de grandes difficultés pour remplir cette mission. Pourquoi ? Elles n’ont pas de baguette magique pour produire des médecins afin de répondre à la pénurie médicale. C’est pourquoi la Fédération accompagne les médecins au mieux dans la mise en place d’outils comme le recrutement des assistants médicaux, la collaboration avec les infirmières en pratique avancée ou les protocoles de coopération.
Mais l’amélioration des indicateurs pour l’accès aux médecins traitants ne va pas se faire immédiatement. Pour autant, les CPTS ne doivent pas avoir peur de l’évaluation, de chiffrer leurs données. Nous avons besoin de les connaître à l’instant t pour démontrer ensuite l’impact de nos actions à travers des rendez-vous réguliers.
En novembre dernier, l’UFML-Syndicat a publié une enquête au vitriol pour dénoncer le modèle coûteux et peu efficace des CPTS. Que répondez-vous ?
L’étude en question est un pamphlet basé sur rien de tangible. Leurs chiffres sont faux et les exemples évoqués sont sortis de leur contexte. Les soirées critiquées étaient consacrées à la santé des soignants, au bien-être au travail. Le syndicat considère-t-il que, lorsqu’on parle de la santé des soignants, on dépense inutilement de l’argent public ?
L’UFML-S véhicule un message dépressif à un moment où il est nécessaire d’avoir une vision positive de notre exercice. La fédération veut démontrer au contraire que la dynamique de l’équipe évite très souvent la souffrance des professionnels. Ce pamphlet syndical a bien secoué les CPTS… mais il leur a aussi donné un coup d’accélérateur. Nos communautés adhérentes ont été unanimement d’accord pour s’engager dans l’évaluation de leurs missions.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique