Ce n’est pas un rejet massif… mais l’ensemble des syndicats de médecins libéraux se déclarent pour le moins circonspects après la présentation par le Premier ministre, ce vendredi, de son « plan d’action pour renforcer l’accès aux soins des Français ».
« Il manque beaucoup de détails dans ce pacte de lutte contre les déserts médicaux », relève d’emblée le Dr Luc Duquesnel. Consacrer une ou deux journées de consultations dans une zone fragile au nom de la solidarité, le chef de file la branche généraliste de la CSMF n’y est pas hostile par principe. Mais comment faire ? Avec quels moyens ? « Qui paiera les locaux de ces postes de consultations avancées et le matériel ? Quelles seront les incitations financières mises sur la table ? », s’interroge le généraliste de Mayenne. Il faut que les « collectivités territoriales, les communes, puissent mettre à disposition un local, où on puisse effectuer une consultation, un accueil, un secrétariat, et puis le minimum : une chaise, un bureau, un ordinateur, un accès Internet, une table d'examen médical, voilà, on ne demande pas la lune », précise dans la même veine à l'AFP le Dr Franck Devulder, président de la CSMF.
Son de cloche similaire à la FMF. « Ce que propose le Premier ministre sera très coûteux. J’ose espérer qu’on ne demandera pas aux médecins volontaires de mettre en plus la main à la poche. Qui financera ce STO ? (pour service territorial obligatoire NDLR) », ironise la Dr Patricia Lefébure. Les communes, l’État, l’Assurance-maladie, les complémentaires ? s’interroge encore la présidente de la FMF pour qui l’État continue de raisonner « comme s’il n’y avait pas de pénurie de médecins et des déserts médicaux partout ».
Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S, regrette le caractère approximatif de ce pacte, où le diable risque de se nicher dans les détails. « On est dans l’à-peu-près. C’est un document qui hésite entre manipulation et impréparation… Le gouvernement ne dit pas comment il va financer, rémunérer et organiser ces jours en zone rouge ! »
La solidarité, ça se travaille !
MG France a aussi la dent plutôt dure après les annonces du locataire de Matignon. « Le monde politique a souvent le talent de transformer une bonne idée en mauvaise. La solidarité ça se travaille ! Cet affichage à vouloir nous obliger à le faire est très désagréable », s’agace la Dr Agnès Giannotti, présidente du premier syndicat de généralistes. « Attention aussi à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul, alors que 87 % du territoire est identifié comme désert médical », alerte-t-elle. La logistique est une autre source d’inquiétude. « On ne va pas aller faire ça au bar PMU du coin », souligne la présidente de MG France.
La Dr Sophie Bauer, présidente du SML, se déclarer également circonspecte. « Si cette solidarité repose sur un principe collectif et sur la base du volontariat, on peut le concevoir, comme cela se fait déjà avec les cabinets éphémères en Franche-Comté par exemple. Mais si c’est une exigence individuelle, c’est hors de question, on va aller au clash », prévient la chirurgienne thoracique de Melun.
Recyclage de mesures
Au syndicat des remplaçants et jeunes généralistes de Reagjir, on est plus mesuré. « Ce plan d’action a quand même le mérite de comprendre qu’il n’y a pas UNE solution miracle mais qu’il faut agir sur différents leviers et surtout on sort de l’idée unique de la régulation à l’installation », positive le Dr Raphaël Dachicourt président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir). Et ce dernier de saluer la lutte contre les certificats inutiles et la montée en puissance des assistants médicaux, « même si ces mesures sont du recyclage », observe-t-il. En revanche, le déploiement effectif des guichets uniques et surtout la « possibilité ouverte pour un médecin de se faire remplacer pendant ses consultations dans un cabinet secondaire en zone en déshérence est une excellente chose », se réjouit le Dr Dachicourt. Cette possibilité n’est pour l’heure, attribuée que de façon discrétionnaire par les Ordres départementaux.
Avenir Spé fait son miel
Certains leaders étudiants sont du moins soulagés d’avoir évité le pire. « On est satisfait déjà que le Premier ministre n’ait pas intégré la proposition de loi Garot dans ses propositions. Les fausses bonnes idées n’ont pas été reprises par le gouvernement », souffle le président des internes de l’Isni, Killian L'helgouarc'h, même si pour l’instant la grande mobilisation du début de semaine prochaine (grève puis manifestation) est maintenue.
Pour les syndicats juniors, beaucoup d’autres interrogations ne sont pas levées comme les futures antennes universitaires, les modalités de la quatrième année d’internat de médecine générale ou le défi logistique des stages hors CHU (que le gouvernement veut multiplier dès 2026).
Seul syndical ouvertement satisfait, Avenir Spé-Le Bloc, majoritaire chez les spécialistes, semble avoir fait son miel des annonces de Bayrou. « Il y a pas mal de choses à prendre dont certaines que nous portons ! », se félicite le Dr Patrick Gasser. Et le coprésident du syndicat monocatégoriel de citer « l’obligation collective de consultations avancées ou celle des stages obligatoires en libéral pour tous les étudiants en médecine ». Selon le gastro-entérologue de Nantes, les médecins vont s’orienter de fait vers une responsabilité territoriale collective. « Ce que Bayrou met sur la table repose sur une notion de “solidarité intergénérationnelle” entre médecins tandis que la régulation à l’installation envisagée par le député Garot ne pénaliserait que la jeune génération. »
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