Depuis la publication, mardi 18 juin, du décret et de deux arrêtés (modalités de délivrance et tarification) autorisant les pharmaciens d’officine à délivrer directement des médicaments en cas de test positif pour l’angine bactérienne ou la cystite, l’exaspération est palpable du côté des représentants des médecins libéraux. Prévu dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2024, ce dispositif « ne résout pas le problème d’accès aux soins », commente le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France.
Tout comme d’autres syndicats des médecins libéraux, l’organisation représentative de médecins généralistes regrette cette « erreur » gouvernementale pour lutter contre les déserts médicaux. « On veut nous décharger des tâches faciles alors qu’on a besoin d’aide pour les actes complexes. Ce dispositif va être coûteux pour la Sécu. L’argent est investi au mauvais endroit », ajoute le généraliste de la Haute-Vienne.
Puis sur le plan pratique, le Dr Nogrette prédit que « les pharmaciens n’iront pas dans cette voie, craignant pour leur pleine responsabilité de ces actes car il n’y a plus de protocole ni de délégation ». Jusqu'à présent, seuls les pharmaciens intégrés dans une organisation structurée (maison de santé, centre de santé et CPTS) pouvaient prendre en charge cystites et angines à travers des protocoles de coopération interpro bien définis. Mais la volonté affichée du gouvernement est claire en publiant ces textes : élargir les compétences des pharmaciens, tout en préservant la qualité de la prise en charge. Pour cela, des conditions précises ont été fixées.
Une délivrance directe encadrée
Seuls les pharmaciens formés sont autorisés à cette délivrance directe après avoir réalisé un test rapide d'orientation diagnostique (Trod) positif pour ces deux situations cliniques. Tous les patients ne sont pas concernés. Dans le cas d’une angine, seuls les patients âgés de 10 ans ou plus sont la cible. Pour la cystite, la prise en charge concerne les patientes âgées de 16 à 65 ans, sous réserve qu’elles ne présentent pas de critères d'exclusion ou de signes de gravité, vus lors de leur formation.
Par ailleurs, pour pouvoir réaliser ces tests, les pharmaciens devront disposer de locaux adaptés (espace de confidentialité pour mener l'entretien préalable, accessible depuis l'espace client, sans accès possible aux médicaments, disposer de sanitaires permettant d'assurer la réalisation du Trod cystite dans le respect des règles d'hygiène, disposer d'un point d'eau pour le lavage des mains ou de solution hydroalcoolique…). Les pharmaciens, rémunérés 10 euros en cas de test négatif et 15 euros en cas de Trod positif, sont aussi obligés d’inscrire dans le dossier médical partagé (DMP) du patient les informations relatives à cette délivrance et de remettre au patient une attestation comportant la dénomination du médicament, sa posologie et la durée du traitement.
Malgré ces nombreuses précautions prises par le gouvernement, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, juge ce dispositif totalement « inutile » « dans des endroits où il y a des organisations coordonnées qui fonctionnent avec des protocoles » ou « des territoires où existe le service d’accès aux soins ». « Non seulement cela risque de braquer les relations entre médecins et pharmaciens mais il y a aussi un risque de perte de chance pour le patient », avertit le généraliste mayennais.
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