Le temps est à l’orage entre les médecins libéraux et le gouvernement et cela risque de ne pas s’arranger. Dans un entretien accordé le 14 avril à La Tribune Dimanche, Frédéric Valletoux, ministre délégué à la Santé, réaffirme son souhait d’aller plus loin dans l’élargissement des compétences des infirmiers, alors qu’un sondage du Quotidien du Médecin indique que 64 % des médecins ne sont (toujours) pas prêts à déléguer certains actes médicaux.
Dans le détail, le locataire de Ségur veut « créer une consultation infirmière » et « ouvrir » aux paramédicaux « un droit à certaines prescriptions ». Si aujourd’hui, les infirmiers ont déjà la possibilité de prescrire dans quelques domaines (substituts nicotiniques, dispositifs médicaux, contraceptifs oraux en renouvellement, pansements), le ministre souhaite « amplifier » et « élargir » ce mouvement, sans empiéter sur les platebandes des médecins, a-t-il promis. « Le médecin reste et restera la tour de contrôle du parcours de soins et cela ne changera pas », a-t-il assuré. Pour aller encore plus loin, Frédéric Valletoux promet de donner « un gros coup d’accélérateur » à la publication des décrets d’application pour les infirmiers en pratique avancée (IPA).
Dans l’attente de la lettre de cadrage
Alors que ces déclarations sont saluées par l’Ordre des infirmiers et l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa), le mécontentement est palpable du côté des représentants des médecins libéraux, déjà remontés après les annonces de Gabriel Attal. MG France, par la voix de son secrétaire général adjoint, le Dr Jean-Christophe Nogrette, très agacé, dénonce une « politique de gribouille ».
Sans être opposé à l’élargissement des compétences infirmières, le médecin juge que ces annonces risquent de « freiner » le bon déroulement des négociations conventionnelles, « en panne ». « On attend toujours la nouvelle lettre de cadrage pour relancer les discussions avec l’Assurance-maladie », peste-t-il. Dans ce contexte, c’est peu dire que les déclarations de Frédéric Valletoux n’ajoutent pas de l’huile dans les rouages. « Les politiciens sont tous paniqués car on leur reproche que l’accès aux soins ne marche plus. Alors ils prennent tous les expédients les plus évidents pour eux, quitte à déréguler le parcours des soins », enfonce le généraliste en Haute-Vienne.
Même colère du côté des Généralistes-CSMF. Son président, le Dr Luc Duquesnel, se dit « stupéfait » par ces annonces. Le généraliste de Mayenne, qui juge que la solution infirmière fragiliserait les dynamiques territoriales enclenchées au sein des maisons (MSP) et des communautés (CPTS) de santé, est formel : « Tout ce qui tombe de Paris n’a aucune chance de fonctionner ! Une fois de plus, cela va braquer les médecins généralistes. »
Alors que le boycott des négos lancé par cinq syndicats de médecins libéraux (MG France, Avenir-Spé, UFML, SML, FMF) entre dans sa deuxième semaine, le Dr Duquesnel voit dans cette sortie politique une volonté de faire « capoter » la convention médicale. « Si le médecin traitant doit disparaître, alors il faudra reprendre les négociations avec la Cnam depuis le début », fulmine-t-il.
Sans surprise, le syndicat UFML-S et son président Jérôme Marty accusent même l’État d’être « responsable » et « coupable de la destruction programmée de la médecine générale, des pertes de chance et de la mise en danger des patients ».
Affichage d’un ministre qui peine à peser quand la moitié du gouvernement se pique de santé ou réelle intention de réformer le système ? Contacté, le cabinet du ministre de la Santé n’a pas été en mesure de répondre à nos questions. Alimenté toute l’année dernière par les discussions autour de la loi Rist, ce front médical n’est certes pas nouveau. Mais en pleines négociations conventionnelles, les médecins n’avaient pas besoin de ça pour monter un peu plus au créneau.
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