J’ai dit, messieurs, qu’avant la puberté, la jeune fille diffère déjà du jeune homme du même âge qu’elle. Cependant, elle n’est exposée qu’aux maladies de ce dernier, quoi qu’étant plus excitable, plus sensible que lui. Je n’en excepte même pas ce léger écoulement muqueux qui survient quelquefois à la suite d’une irritation de la surface interne des grandes lèvres, parce qu’il y a beaucoup d’analogies avec la balanite des jeunes garçons.
Aux approches de la puberté, nous voyons survenir divers désordres, dont les uns sont dus à des irritations de la peau, de l’utérus, de la poitrine, du cœur, de l’encéphale, d’autres à un état de faiblesse des systèmes circulatoires et nerveux ; et d’autres, enfin, dépendent d’un vice de conformation des organes sexuels.
Parmi les premières irritations, je place certaines éruptions cutanées qui se montrent principalement au visage ; les ardeurs de poitrine, les picotements dans le larynx, les palpitations, les étouffements, les crachements de sang. Les céphalalgies plus ou moins répétées sont aussi attribuées à un état d’irritation.
Quant aux vices de conformation des parties génitales externes, ils peuvent occasionner des accidents en retenant le sang dans le vagin ou même dans l’utérus. Mais ils sont peu graves, en général, parce qu’il est facile d’y remédier.
Le coït modéré est favorable à la santé
La première jouissance, ordinairement douloureuse, produit de légères meurtrissures qui cèdent à des lotions d’eau tiède ou froide.
Tous les médecins pensent que le coït modéré est favorable à la santé et ils croient, avec raison, qu’il est nuisible lorsqu’on s’y livre avec excès et, en effet, c’est ordinairement à la suite des jouissances trop réitérées qu’on voit se déclarer des inflammations aiguës ou chroniques de l’utérus ou des ovaires, des écoulements leucorrhéïques et autres affections morbides. Ces accidents sont surtout à craindre lorsque la femme s’adonne aux plaisirs de l’amour peu avant, pendant ou peu après l’éruption de ses règles, époques ou elle est plus lascive que dans d’autres temps.
Quelquefois, les menstrues ne s’établissent pas d’une manière normale, l’écoulement ne se faisant d’ailleurs que par le vagin, ce qui donne lieu à des accidents que je signalerai en parlant de la ménozémie. D’autres fois, on voit survenir une ménorrhée ou une aménorrhée selon certaines dispositions individuelles.
Quand la matrice réagit sur le système nerveux
Dans quelques circonstances, la matrice réagit sur le système nerveux, et cette réaction donne lieu aux phénomènes que je décrirai sous le nom d’hystérie. Chez quelques femmes, on voit se développer ce groupe de symptômes hideux que les nosologistes ont décrit sous la dénomination de nymphomanie ou de fureur utérine, qu’on ne doit pas confondre avec l’érotomanie qui n’est que la mélancolie occasionnée par un amour malheureux.
Si elle n’est pas stérile, dès qu’elle a conçu, on voit se développer chez elle, une série de phénomènes plus ou moins graves, dont les uns dépendent du placement de l’utérus, telle que la rétroversion, la hernie de cet organe. D’autres ne sont que sympathiques. Chez l’une, ce sont des douleurs de dents intolérables ; chez une autre, des ptyalismes, des nausées, des vomissements, des appétits dépravés, des cardialgies, des coliques, la constipation ou la diarrhée, la rétention ou l’incontinence d’urine. L’œdème des extrémités inférieures accompagne aussi la gestation dans quelques cas. Souvent, il y a pléthore, palpitations, syncopes, toux sèches, hémoptysie, varices ; enfin, on observe également, chez certaines femmes nerveuses, des altérations dans l’exercice des sens.
Les cruels instants de la parturition
Si nous suivons la femme pendant les cruels instants de la parturition, nous sommes témoins des horribles souffrances auxquelles elle est en proie et des dangers qu’elle court.
Après avoir accompli cette fonction, un mouvement fébrile qu’on nomme fièvre de lait mais qu’on devrait appeler fièvre puerpérale rétablit chez elle l’équilibre qui avait été rompu et tout rentre dans l’ordre. Mais il n’en est pas toujours ainsi. De graves maladies viennent très souvent compromettre son existence, au nombre desquelles la péritonite.
Les femmes qui accomplissent entièrement leurs devoirs nourrissent leurs enfants. Mais ce n’est pas toujours sans être exposées à des dérangements de santé. Chez les unes, les mamelles s’engorgent, chez d’autres les mamelons se gercent.
Enfin, du moment de la puberté à celui de la ménopause, la femme est encore sujette à de graves et douloureuses maladies. C’est dans le cours de cette période que l’on voit apparaître les cancers du sein et de l’utérus, les métrites aiguës ou chroniques, l’ovarite, des hydropisies utérines, des pertes blanches ou rouges, des polypes…
Tout au long de mon cours, je traiterai des maladies relatives à la puberté avant de passer à la description de celles qu’on rencontre chez les femmes qui ont connu les plaisirs de l’amour. Je terminerai par les affections qui précèdent la cessation des règles et démontrerai combien est absurde l’opinion vulgaire qui veut que les femmes se préparent à l’âge critique par l’usage journalier d’une infusion de vulnéraire ; qui veut qu’elles se couvrent de cautères, qu’elles prennent fréquemment des purgatifs, des sudorifiques dans la vue d’expulser ce lait que l’on dit être répandu dans toute l’économie et auquel on attribue ces infirmités qui les accablent à cette époque de leur existence et qui, selon les bons praticiens, sont dues à toutes autres causes.
Le corset, cette maudite cuirasse
En conclusion, permettez-moi de vous dire, messieurs, que les femmes sont sujettes aux mêmes maladies que les hommes, mais il en est d’autres qui les prédisposent aux altérations qui leur sont particulières ; parmi ces causes, je dois placer le défaut d’exercice, ensuite certaines pièces dont se compose leur habillement et, surtout, le corset, cette cuirasse pouvant être regardée comme propre à développer les difformités. Non seulement, on peut lui reprocher de prédisposer aux affections nerveuses mais encore de provoquer cet excès de faiblesse et de langueur si fréquent chez elles.
Je considère également comme causes prédisposantes les soins que l’on se donne à cultiver leur imagination, les précautions que l’on prend pour les préserver de l’action, du grand air, de la chaleur, de l’humidité et du froid. Mais les principales causes des maladies du sexe sont les chagrins cuisants qui naissent d’un amour malheureux, des peines domestiques, surtout pour les femmes de la classe moyenne de la société. Chez les gens riches, c’est aux excès de table, aux plaisirs sans fin, aux repentirs tardifs qu’il faut attribuer le dérangement de leur santé. Enfin, la privation du coït est souvent la cause des métrites aiguës ou chroniques. C’est ce que peuvent méconnaître les médecins qui ont été favorablement pour donner des soins aux femmes qui vivent dans le célibat. L’abus dans les jouissances de l’amour produit les mêmes effets.
Extraits du discours d’inauguration prononcé par le Dr Alexis Bompard le 9 octobre 1834 à l’amphithéâtre de la faculté de médecine de Paris.
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