Le rapport sévère de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le « modèle économique des centres de santé pluriprofessionnels » n’est pas passé inaperçu dans la profession, la médecine libérale y voyant l’occasion de marquer sa différence par rapport au salariat.
De fait, tout en reconnaissant la place croissante qu’ils occupent dans les soins primaires, le rapport de l’Igas ne ménageait pas les quelque 600 centres de santé pluriprofessionnels en activité et les praticiens qui y exercent. File active plus modeste et variable qu’en médecine libérale, nombre médian d’actes cliniques plus faible, écarts de production : l’Igas ciblait en particulier la « productivité » des praticiens des centres de santé, qui, selon elle, fragilise le modèle économique de ces structures.
Récurrent, cet angle d’attaque de la productivité a été repris ces derniers jours par les syndicats de médecins libéraux. « Centres de santé, la note est salée et la messe est dite », tacle le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, qui demande au gouvernement « d'agir ».
Dans sa lettre interne, la centrale confédérale reprend plusieurs griefs de l’Igas : situation financière détériorée des centres de santé en raison d'une explosion des charges d'exploitation, dysfonctionnement de la procédure de déclaration d'un médecin traitant pouvant expliquer une partie des différences de patientèle MT entre médecins salariés et libéraux, activité moins forte en nombre d'actes en raison de la durée du travail supposée moindre dans un exercice salarial… Et le président de la CSMF en tire cette conclusion vacharde. « On ne peut plus avoir un système à deux vitesses : celle d'une médecine libérale qui cravache, et celle d'une médecine salariée plus planquée dans de nombreux cas », assène le Dr Devulder. Pas en reste, la branche généraliste de la Conf’ épingle l’« inégalité de moyens donnés en priorité aux centres de santé, presque tous déficitaires pour un service rendu à la population bien en deçà des cabinets libéraux ».
Dans ce contexte, la CSMF défend une des propositions avancées par l’Igas, à savoir « une part variable significative » (individuelle ou collective) de rémunération à inscrire dans les contrats de travail des praticiens, afin de conserver un lien entre l’activité du médecin et la rémunération du centre.
Temps de travail et coût de la structure
Après avoir lu le rapport de l’Igas, l’UFML-Syndicat cible à la fois le moindre temps de travail au sein des centres de santé et le coût global élevé des structures de médecine salariée (personnel administratif nécessaire, gestion du tiers payant, etc.). « Savez-vous que le temps de soins est majoré selon la Sécurité sociale de 30 % dans l’exercice médical libéral par rapport à l’exercice salarié – 56 heures versus 35 heures lorsque les législations sur le temps de travail des salariés sont respectées – et de 36 % dans le dernier rapport Igas ? », souligne le syndicat du Dr Jérôme Marty. Plus exactement, ce rapport établit que le nombre médian d’actes cliniques de médecine générale par ETP annuels des généralistes employés par les centres de santé était de 3 396 en 2022 contre 4 614 pour leurs homologues libéraux, soit « un écart de 36 % », entre les deux modes d’exercice. « Savez-vous aussi qu’il en coûte près du double à la nation et aux contribuables d’encourager une médecine salariée par rapport à une médecine libérale, dans l’exercice de laquelle le médecin assume son coût de fonctionnement, son outil de travail, ses locaux d’exercice, et ses charges ? », interroge encore l’UFML-S.
En évaluant le modèle économique et la productivité des centres de santé, l’Igas semble avoir aussi réveillé les critiques confraternelles de la médecine libérale.
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