Habile synchronisation que celle orchestrée par l’Assurance Maladie. Alors que les syndicats et Nicolas Revel devaient discuter, jeudi 28 avril, de la ROSP dans le cadre des négociations conventionnelles, la Cnam avait publié, une semaine auparavant, les résultats du dispositif pour 2014. À cette occasion, elle a établi un état des lieux du mécanisme phare de la convention signée en 2011. Et, « après 4 ans de plein exercice, l’Assurance Maladie dresse un bilan positif qui contribue à améliorer la santé publique et la qualité du service au patient », affirme-t-elle. Une appréciation, semble-t-il, confortée par les médecins eux-mêmes.
À en croire un sondage réalisé par l’institut BVA pour la Cnam fin 2015 auprès de 600 médecins dont 318 généralistes, « une majorité significative et croissante d’entre eux reconnaît désormais à ce dispositif conventionnel un impact réel sur l’évolution de leurs pratiques », relève l’Assurance Maladie. Et d’ajouter que ce constat est « renforcé chez les médecins généralistes qui sont plus de 91 % a déclaré avoir fait évoluer leurs pratiques ».
Un résultat qui tranche singulièrement avec l’opinion des omnipraticiens à l’heure de la mise en place de la ROSP. À ce moment-là, en 2011, une étude similaire indiquait que « seuls 71 % des médecins traitants envisageaient de faire évoluer leur pratique pour le suivi des patients chroniques, 65 % pour la prévention, 62 % pour l’informatisation » et 46 % comptaient faire « évoluer leur pratique en matière de prescription ». Les objectifs ont, quatre ans plus tard, atteint des niveaux bien supérieurs à ceux envisagés. En 2015, 93 % des généralistes déclarent avoir modifié leur suivi des patients chroniques, 87 % leur pratique en matière de prévention, 91 % d’informatisation du cabinet et 88 % pour l’optimisation des prescriptions. Voyant là une « évolution positive de l’opinion des professionnels de santé concernant la ROSP » qui participe à conforter « la pertinence de la démarche », l’Assurance Maladie s’attaque maintenant à l’élaboration d’une deuxième ère pour le dispositif.
Entre syndicats, des points de vue opposés
Syndicats et représentants de la Cnam devaient se retrouver cette semaine pour aborder la ROSP, sujet vivement attendu. Avant-dernière séance de la première phase des négos conventionnelles, elle aura permis aux représentants de la profession d’exposer leurs points de vue sur le dispositif.
« Au départ, il s’agissait de valoriser les médecins généralistes engagés dans une démarche qualité », rappelle Luc Duquesnel. Mais, pour le chef de file de l’Unof, l’objectif a été « un peu détourné » ; la ROSP, ayant « pris la place de la revalo du C », se révèle désormais « importante pour maintenir le niveau de rémunération » des généralistes.
Bien plus critique, Éric Henry juge que « Rocky avait mis en place la ROSP pour “acheter’les médecins” » : c’était « un subterfuge pour cacher une augmentation » qui ne devait pas être exposée à la société. Mais, en pleine contestation tarifaire, au début de l’année dernière, « Marisol Touraine a brisé l’accord en dévoilant que les médecins touchaient 32 euros » par consultation, poursuit le leader du SML. Par ailleurs, il considère que le dispositif a introduit « un conflit d’intérêts entre les médecins et leurs patients », les premiers étant incités à prescrire dans un certain sens pour répondre aux objectifs fixés. Une analyse que partage Jean-Paul Hamon. Ce tour de table n’aura pas permis toutefois d’entendre les représentants des jeunes, absents, à leur grand dam, des négociations : s’ils sont concernés par la ROSP, le dispositif n’est, selon eux, pas adapté à leur pratique.
À ces diverses perceptions répondent des préconisations radicalement différentes entre les partisans d’une évolution de la ROSP et ceux qui plaident pour son abandon. Les uns et les autres se retrouvant toutefois autour d’une revendication commune : l’allocation, à part entière et de façon isolée, de moyens dédiés à un secrétariat. Actuellement au sein de la ROSP, « la partie “organisation” a vocation à être dissociée dans un forfait structure », plaide Claude Leicher.
Pour le reste, les défenseurs de la ROSP considèrent, à l’instar du président de MG France, que « les critères scientifiques doivent être remis au goût du jour ». Il propose également d’« enrichir la partie “santé” de la ROSP d’un élément santé publique » concernant, notamment, le tabac et l’alcool. Claude Leicher souhaite aussi qu’un indicateur correctif permette de tenir compte des diversités de patientèles. Pour Luc Duquesnel, il conviendrait d’« avoir des indicateurs qui valorisent une plus grande coordination et la maîtrise de stage ». Et tous deux sont favorables à l’introduction d’un mécanisme de révision des indicateurs au cours de la convention.
Le rapport du Collège, une base de travail
Mais le dispositif hérité de Frédéric Van Roekeghem n’a pas convaincu tous les syndicats, loin s’en faut. Le SML et la FMF en demandent ni plus ni moins l’abandon. « On peut largement faire mieux que la ROSP », croit savoir Éric Henry. Lui défend le système de « majorations ajoutées à l’acte », sur le modèle de la MNO ou de la MCG. À ses yeux, les médecins seraient ainsi stimulés de façon continue, et ce d’autant plus que le paiement interviendrait dans la foulée de la consultation. « On pourrait créer une majoration prévention », explique-t-il, considérant que les médecins deviendraient pleinement acteurs du dispositif.
Du côté de la FMF, Jean-Paul Hamon réclame l’arrêt de la ROSP – mais pas celui de son « maigre financement » – au profit d’un « forfait structure incluant la coordination des soins ». « On n’est pas opposé à un forfait pourvu qu’il soit pérenne », ajoute-t-il, échaudé par l’abandon du forfait médecin référent, il y a 10 ans. Il voit également dans une telle solution la garantie d’absence « d’allégeance à la Caisse ».
Outre ces suggestions,la Cnam devrait s’appuyer sur le document du Collège de la médecine générale (CMG) relatif à la ROSP. Publié en février dernier, il devrait aiguiller les discussions. Voyant là un « travail remarquable », Luc Duquesnel espère toutefois que la ROSP restera centrée sur le travail du médecin généraliste, l’interpro n’ayant, selon lui, pas lieu d’être dans ce cadre. Quant à Claude Leicher, il voit plus loin que la négociation, suggérant que la « partie santé » de la ROSP soit placée sous la responsabilité d’une structure telle que le CMG.
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique