Plan d'économies de 3,5 milliards d'euros, tour de vis sur les arrêts maladie, nouvelles délégations… Diverses mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) seront surveillées de près par le secteur, en ville comme à l'hôpital.
Déficit, cote d'alerte durable
Les perspectives de retour rapide à l'équilibre se sont évanouies. Plus important que prévu, le déficit du régime général de la Sécurité sociale est estimé à 8,8 milliards d'euros en 2023 puis à 11,2 milliards en 2024. En cause, la situation particulièrement dégradée de la branche maladie, qui affiche près de 10 milliards d'euros d'impasse financière chaque année (-9,3 milliards en 2024, -10 milliards en 2025, -9,7 milliards en 2026). Un contexte qui complique l'équation budgétaire du gouvernement.
Ondam, l'hôpital piégé par l'inflation ?
Les crédits sont-ils à la hauteur des enjeux ? Si la croissance de l'enveloppe globale de dépenses maladie est fixée à 3,2 % (soit un surplus de 8 milliards d'euros), les taux directeurs respectifs de l'hôpital (+3,2 %) et des soins de ville (+3,5 %) ont provoqué des réactions contrastées. Toutes les fédérations hospitalières (FHF, FHP, Fehap, Fnehad, Unicancer), mécontentes, réclament des moyens supplémentaires pour compenser le niveau de l'inflation et faire face aux enjeux d'attractivité. Et chez les médecins libéraux, la vigilance est maximale, avant la reprise des négos conventionnelles, même si la CSMF a exprimé une « lueur d'espoir ».
3,5 milliards d'économies pour boucler
Pour tenir ces objectifs (alors que la pente naturelle des dépenses dépasse 4,5 %), le gouvernement vise une économie globale de 3,5 milliards d'euros dont 1,3 milliard sur les produits de santé (essentiellement via des baisses de prix de médicaments), 240 millions sur les soins de ville (biologie, radiologie) et 1,25 milliard liés à la « responsabilisation » des professionnels et patients. La hausse des franchises médicales n'est pas inscrite dans ce projet de budget mais reste en discussion. En contrepartie des efforts réclamés à l'industrie pharmaceutique, l'exécutif réforme la clause de sauvegarde.
Arrêts maladie, la mesure qui braque les généralistes
Pour juguler les dépenses liées aux arrêts maladie, le texte renforce le contrôle de l'Assurance-maladie et des entreprises. Mandaté par l'employeur, un médecin contrôleur pourra suspendre le versement des indemnités aux patients lorsqu'il estime l'arrêt injustifié, avec une possibilité de recours. MG France dénonce une mesure de « casse sociale » qui doit être supprimée. L'organisation appelle les médecins traitants à tenir à disposition de leurs patients le courrier de contestation, au cas où la mesure devrait s'appliquer. Par ailleurs, le projet de loi limite à trois jours la durée des arrêts prescrits par téléconsultation (sauf exceptions, notamment pour le médecin traitant).
Pharmaciens, les lignes bougent
Plusieurs mesures visant à combattre les pénuries de médicaments devront faire leurs preuves. En cas de ruptures d'approvisionnement, la délivrance à l’unité pourra être rendue obligatoire par arrêté. Surtout, la délivrance d’antibiotiques contre les cystites et les angines par les pharmaciens, après test rapide d'orientation diagnostique (Trod), est entérinée. Un élargissement de compétences des officinaux qualifié de « rustine » ou de « cache-misère » par certains syndicats de médecins libéraux.
Parcours, forfaits : jusqu'où ?
Le texte permettra la généralisation des expérimentations de plusieurs parcours coordonnés dans le cadre de l'article 51 (innovation en santé) sur l'obésité, la rééducation cardiaque en soins de ville, la rééducation respiratoire à domicile. L'Union nationale des professions de santé (UNPS, libéraux) craint un contournement du système conventionnel.
Prévention : à concrétiser
Ce budget confirme des mesures déjà annoncées tout en renvoyant leurs modalités à des arrêtés futurs : c'est le cas pour les rendez-vous prévention à 25, 45 et 65 ans et de la campagne de vaccination HPV pour les élèves de 5e. Pour les moins de 26 ans, le PLFSS entérine la gratuité des préservatifs et le remboursement des protections périodiques réutilisables.
Moins de T2A, progressivement...
Ce budget inscrit la diversification du financement des activités hospitalières MCO en réduisant la T2A. Le nouveau mix s'articule autour de trois compartiments : des activités standards toujours tarifées à l’activité (en chirurgie ou médecine) ; des activités qui répondent à des « objectifs de santé publique » (prévention, coordination des parcours) ; enfin, celles pouvant être rémunérées par des dotations sur des missions spécifiques. Mais cette réforme complexe ne commencera vraiment à s'appliquer qu'au 1er janvier 2025.
Cotisations : le secteur II pénalisé ?
Le gouvernement souhaite concrétiser une réforme de l'assiette sociale (CSG, cotisations vieillesse) des indépendants (dont les libéraux de santé), qui reste à arbitrer. Selon certains calculs syndicaux, la nouvelle assiette unique pourrait pénaliser une majorité de praticiens qui exercent en secteur II à honoraires libres.
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