À six mois des élections aux URPS, la Fédération des médecins de France (FMF) poursuit sa mue. Après avoir porté à sa tête le Dr Corinne Le Sauder — première femme à présider un syndicat senior — au début de l’été, l’organisation a élu à l’unanimité un nouveau leader pour sa branche généraliste (Union généraliste - UG) lors de son assemblée générale des 3 et 4 octobre. Le Dr Stéphane Pinard, médecin généraliste installé à Belle-Île-en-Mer (Morbihan), deux fois lauréat du Grand Prix du Généraliste (pour la mise en place un pôle de santé ayant permis d'enrayer la désertification médicale sur l'île), succède ainsi au Dr Claude Bronner. La désignation de l’omnipraticien breton de 44 ans s’inscrit dans un processus de rajeunissement du bureau de la FMF, qui a vu cet été les Drs Mickaël Frugier et Claire Cadix, 38 et 44 ans, être nommés vice-président et trésorière du syndicat.
Désigné à l’aube des négociations conventionnelles sur l’accès aux soins non programmés, le développement de la télémédecine et de l’exercice coordonné, et à quelques mois des élections URPS, le Breton se jette d’entrée dans le grand bain. Une perspective qui ne l’effraie pas, assure-t-il.
La revalorisation de l’acte « priorité des priorités »
L’objectif principal de cet « homme de dialogue » — selon les mots du président d’honneur de la FMF Jean-Paul Hamon — sera de créer un « électrochoc » afin que les médecins « se réinstallent massivement en libéral », à la ville comme à la campagne. Pour ce faire, le Dr Pinard estime indispensable de « redonner confiance » en l’avenir aux praticiens. « Nous, médecins, ne sommes plus heureux dans ce que nous faisons. Du fait de la désertification, nous ne sommes pas accessibles à nos patients », déplore-t-il. Pour retrouver cette confiance et le « plaisir de travailler », le médecin de famille portera un projet syndical s'appuyant sur les résultats de la consultation « L’autre Ségur », lancée par son syndicat au cours de l’été, à laquelle 700 praticiens ont répondu, et dont les premiers résultats ont été présentés lors de l’assemblée générale du week-end.
Sans surprise, la revalorisation de l’acte médical ressort comme « la priorité des priorités ». « Pour qu’un médecin s’installe en libéral, il lui faut vivre correctement de son travail et avoir un confort d’exercice, souligne le Dr Pinard. Aujourd’hui le médecin qui fait ses consults, le standard, change le papier dans les toilettes, range le bureau, change les ampoules, ouvre le courrier : il n’y arrive plus. Surtout dans les secteurs où il n’y a plus de médecins ». Précisant que le montant de cette revalorisation doit encore être discuté, le nouveau leader d’UG prévient : « un électrochoc, ça secoue quand même ! Ce n’est pas 50 centimes de plus ! ».
Dénonçant le forfait patientèle et ses « indicateurs injustes », le Dr Pinard plaide pour sa suppression. « Il faut le transformer en une valorisation de l’acte », estime-t-il. Le généraliste préconise également la mise en place d’un « vrai forfait structure » qui permettrait « d’avoir des moyens décents pour se payer les services d’une secrétaire, louer un appareil d’échographie, ou encore d'embaucher un assistant médical, financé différemment [que dans le dispositif de la Cnam] ».
Alors que la piste d’une revalorisation de l’acte dans le cadre des négociations conventionnelles actuelles a été écartée à plusieurs reprises, à la fois par le ministre de la Santé Olivier Véran et par le directeur général de l’Assurance maladie Thomas Fatome, Stéphane Pinard insiste sur l’urgence d’un électrochoc immédiat. « Quand vous avez un arrêt cardiaque : plus vous faites vite, mieux c’est pour le patient », prévient-il. En dépit des premiers signaux négatifs des négociations, l’omnipraticien se veut combatif : « Nous n’avons pas d’autre choix que d’y aller et de faire tout ce qu’on peut pour sauver l’offre de soins en France. »
Protéger davantage les médecins
Outre la revalorisation de l’acte, le nouveau patron d’Union Généraliste juge indispensable de protéger davantage les médecins libéraux. Alors que ceux-ci passent leur vie « à prendre soin de l’autre », le Dr Pinard attire l’attention sur le manque de protection de « ceux qui soignent ». « Quand il nous arrive un problème, on se retrouve seul, avec 90 jours de carences (…). On est très mal couvert et pris en charge », souligne-t-il. Le Breton veut donc mettre fin à ce délai de carence.
Le Bellilois, président d'une CPTS par ailleurs, insiste enfin sur la nécessité de ne pas imposer un « modèle unique » de coordination des soins pour ne pas faire peur aux jeunes médecins : « Il faut que la coordination s’adapte au terrain ».
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