Après un mandat marqué par votre refus de signer la convention de 2016, pourquoi vous représentez-vous à la présidence de la CSMF ?
Dr Jean-Paul Ortiz Ce furent quatre années de mandat difficiles. Nous avons été en conflit avec la politique de santé de Marisol Touraine. Le dialogue était rompu et on a perdu cinq ans. Des chantiers n’ont pas pu être menés. Depuis, le pouvoir politique a changé. J’ai passé un mandat à m’opposer, j’espère passer le prochain à proposer. La période qui s’ouvre doit permettre d’engager des réformes nécessaires pour que tous les Français aient à nouveau accès à un médecin traitant. Il faudra donner les moyens organisationnels à la médecine de ville et restructurer l'hôpital pour répondre au défi de la pertinence des soins. Nous devons recentrer le premier recours sur la ville. On peut imaginer un nouveau forfait pour inciter les médecins de ville à prendre des urgences par exemple.
Les conditions d’une adhésion de la CSMF à la convention médicale sont-elles réunies ?
Dr J.-P. O. La CSMF a posé trois conditions au nouveau gouvernement pour revenir dans le jeu conventionnel : l'abrogation du tiers payant généralisé (TPG), la suppression de l’article 99 permettant à l'Assurance maladie de baisser autoritairement les tarifs d’imagerie médicale, et des financements pour restructurer la médecine libérale. Le dialogue est revenu, le TPG a été supprimé. Seule la question de l'article 99 n’est pas réglée. Nous négocions actuellement des moyens pour la médecine libérale. Les avenants en discussion sur la télémédecine peuvent être innovants et permettre de déboucher sur de nouvelles organisations des soins. Ce qui sera obtenu pour la télémédecine déterminera notre retour dans la convention, qui sera soumise au vote d'une prochaine assemblée générale.
La pression des parlementaires sur le conventionnement sélectif s’accroît. Cela vous inquiète-t-il ?
Dr J.-P. O. Le conventionnement sélectif est possible en cas d’excès global de professionnels et d’écarts démographiques très élevés d’un département à un autre. C'était le cas pour les infirmières, pas pour les médecins. Aujourd’hui, aucune zone ne compte trop de praticiens. Nous continuerons de lutter contre les mesures coercitives en démontrant qu’elles ne servent à rien.
La CSMF a signé une charte de solidarité intergénérationnelle pour lutter contre les déserts. Par quoi cela va-t-il se traduire ?
Dr J.-P. O. Les difficultés d’accès aux soins ne vont pas se résoudre du jour au lendemain. Les solutions sont multiples et variables d’un territoire à l’autre. Si l’ensemble des médecins installés, proches de la retraite ou en formation ne se retroussent pas les manches, le gouvernement, poussé par la population, prendra des mesures drastiques qui ne résoudront rien. Nous allons nous atteler au problème de l'accès aux soins. Nous développerons des alternatives, des stages. Il faudra convaincre les médecins proches de la retraite à continuer d'exercer en cette période difficile, favoriser le développement de la télémédecine, la coordination entre professionnels, les consultations avancées, l'exercice multisites, etc.
Agnès Buzyn veut développer la rémunération à l’épisode de soins. Cela sonne-t-il le glas de la fin du paiement à l’acte ?
Dr J.-P. O. Le paiement forfaitaire représente déjà environ 15 % de notre rémunération. Personne ne s’en plaint. Doit-on augmenter cette proportion ? Je ne suis pas opposé à en discuter, car tout dépend de ce qu’intègre le forfait, mais le paiement à l’acte doit rester prépondérant.
La lutte contre le tiers payant généralisé a marqué votre mandat. La bataille est-elle définitivement gagnée ?
Dr J.-P. O. Nous avons fait du tiers payant un cheval de bataille contre Marisol Touraine. Conformément à la promesse du candidat Macron, Agnès Buzyn l’a transformé en tiers payant généralisable, inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2018. C'est clairement une victoire de la CSMF. Bien sûr, ce que fait une loi, une autre peut le défaire, mais pour l’instant les choses sont claires.
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