"C'est un énorme problème, pour nous. Personne n'est prêt, tout le monde se ronge les ongles". Interviewé par l’AFP, Loïc Capron, le président de la CME de l'AP-HP résume assez bien le sentiment des responsables hospitaliers à la veille de la réduction du temps de travail des internes qui doit entrer en vigueur le 1er mai. Ces derniers passent actuellement plus de soixante heures en moyenne par semaine dans les hôpitaux, loin des 48 heures fixées par la législation européenne. C'est pour répondre aux injonctions de Bruxelles que le ministère de la Santé a redéfini leur temps de travail, via un décret publié fin février et qui doit s’appliquer à partir de ce 1er mai.
Ces étudiants, qui entament un nouveau semestre lundi, verront ainsi leurs obligations de service passer de 11 à 10 demi-journées par semaine, dont 8 à l'hôpital, contre 9 auparavant. Une demi-journée sera consacrée à leur formation à la fac, et une autre à leur "temps personnel", comme pour la rédaction d'une thèse. Le tout ne devra pas excéder 48 heures hebdomadaires, sans quoi les établissements pourraient se voir infliger des sanctions financières. "La tradition veut qu'un interne ne compte pas ses heures", affirme sans ambages Loïc Capron, rappelant que les internes se forment en même temps qu'ils soignent les malades. Avec cette "réduction drastique" de leur temps de présence, les services devront "apprendre à travailler sans eux", regrette-t-il, soulignant qu’"après deux gardes et un repos de sécurité (pause obligatoire de 11 heures après 24 heures de travail), ils auront déjà fait leur semaine !"
Opposés à cette mesure, les dirigeants d'hôpitaux ont alerté début avril la ministre de la Santé sur les difficultés logistiques et budgétaires rencontrées, lui demandant, en vain, de repousser la réforme au semestre suivant. Sans donner de chiffres, la Fédération hospitalière de France (FHF) estime par ailleurs que la mesure entraînera "des frais de gestion importants" que n'a pas évalués le gouvernement. "On improvise dans un contexte de plus en plus contraignant, avec des injonctions contradictoires", renchérit le président de la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires, Philippe Domy, également directeur général du CHRU de Montpellier, où la mesure coûterait 500.000 euros par an.
Les internes, quant à eux, sont bien décidés à faire appliquer cette "réforme d'ampleur", selon Pierre-Antoine Moinard, chef de file des internes en médecine générale, l'Isnar-IMG. "Elle va mettre du temps à rentrer dans les moeurs", souligne-t-il, alors que se dessine "un conflit générationnel" et que persiste le "mythe du surhomme" capable d'enchaîner plus de 24 heures de travail d'affilée, en particulier en chirurgie. Même si "l'interne n'est pas censé être indispensable au bon fonctionnement des hôpitaux, il y a des endroits ou cela va coincer" reconnaît-il toutefois. "Très égoïstement, cela n'est pas notre problème", lance-t-il aux dirigeants d'hôpitaux.
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