Le nouveau coronavirus serait-il arrivé en France bien avant fin janvier ? C'est ce que suggère l'équipe du GHU Seine-Saint-Denis dans une étude publiée lundi 4 mai en prépublication dans « International Journal of Antimicrobial Agents ». « Le Covid-19 se propageait déjà en France fin décembre 2019, un mois avant les premiers cas officiels », écrivent les auteurs.
Le Pr Yves Cohen, chef du service de réanimation des hôpitaux Avicenne et Jean-Verdier, en Seine-Saint-Denis, et auteur sénior de l'étude, avait annoncé dès dimanche sur BFMTV un cas positif remontant au 27 décembre.
Des prélèvements respiratoires conservés quatre ans
« On a ressorti tous les dossiers de patients hospitalisés en réanimation à Jean-Verdier et Avicenne du 2 décembre au 16 janvier, qui avaient une pneumonie et une PCR négative à l'admission », a-t-il expliqué à l'AFP. À l'époque, la PCR visait à rechercher la grippe ou d'autres coronavirus, le SARS-CoV-2 n'étant pas encore connu. Dans cet hôpital francilien, tous les prélèvements respiratoires sont congelés à -80 °C et conservés pendant 4 ans.
L'objectif de ce travail était ainsi de rechercher a posteriori le SARS-CoV-2 dans les prélèvements respiratoires réalisés alors. Au total, 14 des 58 patients admis dans le service pour pneumopathie pseudo-grippale ont été inclus dans l'analyse. Pour un seul d'entre eux, la PCR est revenue positive pour le nouveau coronavirus.
Un homme de 42 ans sans voyage récent
Il s'agit d'un homme de 42 ans, asthmatique et diabétique de type 2, d'origine algérienne, qui vit en France depuis des années et travaille comme poissonnier, est-il rapporté dans l'étude. Son dernier séjour en Algérie remonte à août 2019. L'un de ses enfants avait présenté une pneumonie pseudo-grippale avant l'apparition des symptômes.
Le 27 décembre, il s'est présenté aux urgences pour hémoptysie, toux, céphalées et fièvre, évoluant depuis 4 jours. L'examen clinique n'a rien retrouvé de notable mais le TDM thoracique a révélé des opacités bilatérales en verre dépoli des lobes inférieurs. Il présentait à l'admission une lymphopénie ainsi qu'une CRP et des d-Dimères élevés mais une proCalcitonine normale. L'évolution s'est révélée favorable sous antibiotiques en unités de soins intensifs avec une sortie le 29 décembre.
Pour le Pr Cohen interrogé par l'AFP, il est possible qu'il ait été contaminé par sa femme, elle-même asymptomatique, qui travaille au rayon poissons d'un supermarché « à côté du stand des sushis avec des personnes d'origine asiatique ».
Cas isolés et vague épidémique
Cet homme aujourd'hui guéri serait-il alors le cas le plus précoce de Covid-19 à ce jour en France ? C'est possible et, dans tous les cas, cela ne ferait que confirmer ce dont de nombreux scientifiques se doutaient.
« On pouvait le pressentir puisqu'il s'est passé un peu la même chose en Chine : ce virus a la particularité de se diffuser à bas bruit dans la population, sans qu'on en décèle la présence, et dans un deuxième temps il fait des formes cliniques », a indiqué le réanimateur de Jean Verdier.
Ainsi, Pékin a informé l'Organisation mondiale de la Santé d'un foyer de pneumonies d'origine inconnue à Wuhan le 31 décembre. Mais le premier cas remonterait au 8 décembre selon les autorités sanitaires de Wuhan et au 1er décembre, selon une étude publiée dans « The Lancet ».
Pour Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS à l'université de Montpellier, « il faut distinguer les cas isolés et la vague épidémique. Concernant l'origine de la vague épidémique en France, les données actuelles la situent entre la mi-janvier et le début février », a-t-il expliqué à l'AFP, notant que « moins de 2,5 % des scénarios simulés conduisent à une origine plus précoce ». Mais « il est toutefois possible que des cas isolés aient été importés avant, donnant potentiellement lieu à des chaînes de transmission qui se sont éteintes », a-t-il ajouté.
Avec AFP